• Scénario

    Merci à Molenbeek, mon auteur favori, de m'avoir donné ce scénario avec ce commentaire:

    "Écœuré par la lamentable indigence des films de fessée que j’ai pu regarder (avec ou sans tablier), j’ai écrit le mien."


    INTERIEUR JOUR
    salle de café, 1920  

    un petit bistro de quartier, sans prétention mais propre et bien tenu. Pas du tout un « boui-boui ».

    Plan général sur la vitrine et la porte d'entrée, vues de l’intérieur de la salle.

    A travers un rideau transparent, brodé par endroits de fleurs des champs, on voit marcher des passants dans la rue. Un jeune couple est attablé près de la vitre. Il boit un bock, elle un café. La porte d'entrée s'ouvre, faisant tinter un dispositif de petites tringles métalliques que l'ouverture de la porte fait s'entrechoquer.

    Une femme entre et se dirige vers la caisse (Pano travelling gauche-droite)

    Elle est seule. Entre vingt-cinq et trente ans. Élégante. Un chapeau cloche la coiffe comme un casque. Robe taille basse, la jupe à mi-mollets. Maquillage discret. Quelques bijoux de valeur mais sobres. Bottines de ville à talons moyennement hauts. Elle tient dans sa main droite un assez grand sac en cuir fauve.

    Ses traits sont crispés. On la sent tendue, nerveuse.

    Le panoramique la suit depuis la porte jusqu'à la caisse.

    Plan moyen large sur le couple attablé. Tous les deux suivent du regard la nouvelle arrivante. L'homme a un expression mi amusée, mi admirative, qui signifie clairement : "Pas mal, la fille ..."
    Sa compagne lui répond par un haussement d'épaules accompagné d'une mimique dégoûtée voulant dire : "Bof ..."

    Plan américain resserré sur la caisse, en bout de comptoir.

    Le mur, derrière la patronne, est tapissé d'étagères pleines de bouteilles.

    La patronne a une petite cinquantaine. Trop grosse, empâtée. Pourtant on voit qu'elle a été jolie. Sur sa robe en cretonne, à mi chemin entre blouse et robe, elle porte un tablier à carreaux rouges et blancs  –  rien de « fantaisie », ni fronces, ni volants ... pas de bretelles ni de bavette en forme de soutien gorge ... Bavette carrée maintenue au dessus des seins par un très classique cordon de cou. Jupe droite peu enveloppante. Poche sur le côté. Ceinture rapportée, prolongée de chaque côté par deux cordons que l'on noue derrière le dos, au creux des reins. Un tablier simple et fonctionnel, tel qu’en portent les ménagères qui souhaitent uniquement protéger leurs vêtements, sans arrière pensée de faire bander leur jules.

    La nouvelle arrivante entre dans le champ par la gauche.

    PATRONNE.  Alors Olga, tu as pris ta décision ?

    OLGA (de dos).  Oui, madame.

    Elle parle avec un accent slave.

    PATRONNE. Tu l’as apporté ?

    OLGA. Je l’ai là, dans mon sac.

    PATRONNE. Fais voir.

    Olga ouvre son sac (Gros plan sur le sac ouvert) La patronne se penche par-dessus sa caisse pour regarder.

    PATRONNE (admirative). Ben dis donc ! !

    OLGA.  Monsieur Levasseur dit que c’est une réplique exacte. La taille, le poids, le tournage du manche, la qualité du cuir … tout.

    Elles tournent toutes deux la tête vers la table occupée par le couple, ne souhaitant visiblement pas qu’ils entendent leur conversation.

    PATRONNE. Monsieur Levasseur t’a donné un message pour moi ?

    Gros plan sur Olga ¾ face. Elle rougit violemment. Bat des cils, baisse les yeux. Mord sa lèvre inférieure. Elle aspire une profonde goulée d’air pour arriver à bredouiller un

    OLGA (s’étranglant). OUI ! !

    PATRONNE (hors champ). Je t’écoute.

    OLGA (qui voudrait disparaître sous terre). Je dois vous demander un seau. Une brosse en chiendent. Un torchon à pavé. Un grand tablier bleu.



    STOCK SHOTS – EXTÉRIEUR, JOUR
    Scènes de Paris entre 1920 et 1925.

    Un effet de kaléidoscope (montage) fait défiler rapidement (léger accéléré) des scènes urbaines (stock shots).
    Un boulevard encombré de vélos, triporteurs, voitures, taxis, camions de livraison, tramways …
    D’énormes embouteillages aux carrefours …
    Des flics exaspérés gesticulent, s’époumonent dans leurs sifflets …
    Une rame du métro aérien passe en vrombissant …
    Sur un chantier de démolition, un pan de mur s’effondre en soulevant un grand nuage de poussière ...
    Sur un marché populaire, un commis de maraîcher vante à tue tête la qualité de ses fruits et légumes …
    Une manif descend un large boulevard, brandissant drapeau rouge, pancartes et banderoles …

    Pendant que défilent ces scènes trépidantes, bruyantes, le son (Off) répète en boucle les paroles de la blonde :

    UN SCEAU, UNE BROSSE EN CHIENDENT, UN TORCHON À PAVÉ, UN GRAND TABLIER BLEU ……. UN SCEAU, UNE BROSSE EN CHIENDENT, UN TORCHON À PAVÉ, UN GRAND TABLIER BLEU ……..

    Le son, de plus en plus synthétisé, devient métallique, distordu, suraigu :

      ……. UN SCEAU, UNE BROSSE EN CHIENDENT, UN TORCHON À PAVÉ, UN GRAND TABLIER BLEU ……. UN SCEAU, UNE BROSSE EN CHIENDENT, UN TORCHON À PAVÉ, UN GRAND TABLIER BLEU ……..

    Des fumées grises, bleues, violettes, jaunes estompent graduellement les scènes urbaines. Sur ces fumées servant de fond d’écran, un bras féminin (ongles maquillés, le poignet et l’avant bras laissent voir la manche d’une blouse de ménage) surgit dans le champ (côté droit) pour présenter un sceau en tôle galvanisée.

    FORTE VOIX OFF.  UN SCEAU.

    Le même bras revient, cette fois à gauche du champ, pour offrir une serpillière.

    FORTE VOIX OFF.  UN TORCHON À PAVÉ.

    Bras revenant en champ-droit, tenant une brosse.

    FORTE VOIX OFF.  UNE BROSSE EN CHIENDANT.

    Champ-gauche, tenant un tablier bleu par son cordon de cou.

    FORTE VOIX OFF.  UN GRAND TABLIER BLEU.


    Le générique défile sur fond de fumées colorées qui s’entrecroisent et fusionnent.


    VERA IMEROVSKA  =  Olga

    CARL NOURISSOT  =  Franck Levasseur

    dans

    CHOISISSEZ, MESDAMES

    Un film de Jean-François Molenbeek

    avec

    Colette Bruchet  =  la patronne

    Dora Quick et Rick Damien  =  les clients du café

    Lucie Weiss et Julien Morris  =  le couple sortant du théâtre.

    Gina Lombroso  =  Pierrette

    Effets spéciaux  =  Cyril Blondeau

    Conseillère pour les toilettes et détails d’époque  =  Marie-Claire Augé

    Monteuse  =  Michèle Schneider



    INTÉRIEUR, JOUR
    Salle du même café

    Assise en tablier derrière sa caisse, la patronne (Plan moyen face) nous regarde directement.

    PATRONNE (petit sourire goguenard). Ne vous impatientez pas, mes chéris, vous allez tout savoir. Mais chaque chose en son temps.

    Elle se tourne pour regarder une pendule accrochée au mur derrière elle. Les aiguilles indiquent 16h10.

    La patronne tend son bras en direction de la pendule. Elle fait claquer ses doigts.

    Les aiguilles se mettent à tourner à reculons, pour s’arrêter sur 9 heures du matin.



    EXTÉRIEUR, JOUR
    Rue populeuse

    Animation d’une rue commerçante le matin (Plan d’ensemble). Des marchands ouvrent leur boutique. D’autres font leur étalage. Des groupes de commères discutent au milieu de la chaussée. Un conducteur klaxonne pour réclamer le passage. On l’engueule. Un livreur de bière, ceint d’un tablier de cuir, apporte des tonneaux au patron d’un bistro. Sous une arcade, des clochards trient des mégots. Une jeune fille en longue blouse de coton délavé va livrer des pains.

    D’une porte située entre une boucherie chevaline et un « bouillon » (Plan général rapproché) sort Olga. Elle porte un grand imperméable à larges poches, serré à la taille par une ceinture. Une jeune femme en tablier bleu lave à grande eau la vitrine du restaurant.

    LAVEUSE (tout sourires). Bonjour, m’dame.

    OLGA. Bonjour, Pierrette. Votre angine va mieux ce matin ?

    PIERRETTE. Quelques grogs bien tassés, c’est encore le meilleur remède.

    OLGA. Pas trop de rhum quand même, hein. Sinon votre amoureux vous donnerait la fessée.

    La jeune femme glousse et se tortille dans un tablier trop grand pour elle ; il lui fait presque deux fois le tour de la taille ; elle l’a replié sur son ventre pour remonter la jupe qui lui descendait jusqu’aux pieds ; elle a aussi raccourci le cordon de cou, par un nœud derrière la nuque, pour remonter la bavette et la tendre sur ses seins.

    Olga se fond dans la foule (suite panoramique) et s’éloigne.



    STOCK SHOT
    Carte postale ancienne

    Une carte postale d’époque (Plein champ) montre le grand magasin  « LES NOUVELLES GALERIES ».



    EXTÉRIEUR, JOUR
    Trottoir devant le magasin.

    Olga (Plan général rapproché) fait les cent pas sur le trottoir. Elle consulte sa montre, paraît énervée. Autour d’elle, d’autres personnes attendent l’ouverture des « Nouvelles Galeries »

    VOIX OFF.  Deux tranches d’horaires favorisent les vols. Les heures de grande affluence, quand la foule est dense et les vendeuses débordées. Mais aussi l’heure d’ouverture. Il y a là une dizaine de minutes de flottement, tout le personnel n’est pas encore à son poste, les vendeuses se dépêchent tout en papotant entre elles, certaines n’ont pas encore enfilé leur blouse réglementaire. L’impression est celle d’un poulailler quand la fermière ouvre les barrières.

    Le magasin ouvre ses portes (Plan général large). La foule s’engouffre.



    INTÉRIEUR, JOUR
    Dans le magasin.

    Une main féminine gantée (Gros plan) saisit un bracelet dans une vitrine et s’apprête à le faire disparaître, quand …

      … Une grosse main d’homme (ongles épais et carrés, poils sur les doigts) lui emprisonne le poignet ! !


     
    STOCK SHOT
    Dessin d’époque

    Un gravure des années 1918-1920 montre (Plein champ) un commissariat de police.

    Un de ces dessins « réalistes » qui illustraient la une du PETIT JOURNAL, ou apportaient du piment aux feuilletons sanglants de L’ŒIL DE LA POLICE. Des pavés mouillés luisent sous le pâle halo d’un bec de gaz. Un sergent de ville frigorifié, emmitouflé dans sa pèlerine, monte la garde devant une lourde porte blindée. Une lanterne suspendue à une poterne indique POSTE DE POLICE. L’obscurité environnante est sinistre. Un envol de feuilles mortes et de bouts de papier montre qu’une bise glaciale prend la rue en enfilade.



    INTÉRIEUR, JOUR
    Commissariat

    Assis derrière son bureau (plan rapproché, ¾ face), un policier fait danser au bout de son index le bracelet volé.

    Olga (3/4 dos) se tient sur une chaise en face de lui, prostrée, la tête dans ses mains.

    POLICIER. Russe ?

    OLGA. Oui, monsieur le commissaire.

    POLICIER (ironique). « Princesse Russe », j’imagine ?

    OLGA. Simplement baronne.

    POLICIER (consultant sa fiche). De Saint-Petersbourg ?

    OLGA. Oui, monsieur le commissaire.

    POLICIER. Comment punissait-on les voleuses en Russie ?

    OLGA (avalant sa salive) (Gros plan de face). On les fouettait.

    POLICIER (Plan moyen de face). Comment étaient-elles fouettées ?

    OLGA (3/4 dos). Ça dépendait des endroits.

    POLICIER. Explique-toi.

    OLGA (Plan moyen de face). Dans les petits postes de police, ou dans les gendarmeries de campagne, on hissait la coupable sur les épaules d’un homme robuste qui lui maintenait les bras par devant. Et un policier  –  en général un sergent ou un brigadier  –  lui donnait le fouet.

    POLICIER. Par-dessus ses jupes ?

    OLGA. Non.

    POLICIER. Ses jupes et ses jupons étaient retroussées pour la circonstance ?

    OLGA. Oui. Et comme les fautives étaient en général des femmes du peuple ou des paysannes, on leur écartait également la fente du tablier.

    POLICIER. Restait la culotte.

    Olga (Gros plan de face) ne répond pas. Elle porte une main à sa bouche et se ronge les ongles.

    POLICIER (hors champ, insistant). Restait la culotte …

    OLGA. La plupart des paysannes n’en portaient pas.

    POLICIER. (Retour plan moyen large) Elles étaient donc fouettées sur le derrière nu ?

    Olga s’agite sur sa chaise, contractée, furieuse contre elle-même. Elle a beau lutter, résister de toutes ses forces, elle est bien obligée de sentir que ce sujet de conversation fait monter en elle de fortes bouffées d’excitation sexuelle. Elle sent une humidité poisseuse envahir ses cuisses … Quelle honte ! ! !

    POLICIER (retournant le fer dans la plaie). Ces femmes étaient fouettées CUL NU.

    OLGA (criant presque). Oui, monsieur le commissaire ! !

    POLICIER. Je pense que le nombre de coups variait en fonction de la faute commise ?

    OLGA. C’est exact, monsieur le commissaire. Les condamnations allaient de vingt coups, pour des menus larcins, à cent coups et même plus pour association de malfaiteurs, cambriolages en bande organisée. Mais celles-là partaient en Sibérie avec la chaîne des forçats.

    POLICIER. Toutefois ce régime ne s’appliquait pas aux aristocrates.

    OLGA. Que voulez-vous dire, monsieur le commissaire ?

    POLICIER. Que lorsqu’une femme de la noblesse commettait un délit ou un crime, son rang la mettait à l’abri des châtiments corporels.

    OLGA. Alors là vous vous trompez complètement, monsieur le commissaire. Baronne, comtesse ou princesse, elle était passible du fouet comme la dernière des moujiks. La duchesse Batiouchkov, du puissant domaine Kolenitch dans le district de Smolensk, a été fouettée pour escroquerie et détournement de fonds … La boyarine Pletschirev, de Minsk, a reçu quarante coups de fouet pour avoir giflé l’huissier de justice qui venait lui réclamer ses dettes … Dans mon entourage proche, l’une de mes cousines, la baronne Blavenny, a été fouettée pour avoir imprudemment rapporté un secret dont elle avait eu connaissance … Un de ces petits secrets d’alcôve qui, en France, font le bonheur de vos auteurs de vaudevilles. Seulement ça ne se passait pas en France. Et l’adultère concernait une femme très haut placée à la Cour impériale. Celle-ci s’est vengée en obtenant que ma cousine soit fouettée la veille de son mariage.

    POLICIER. Où administrait-on ces châtiments ?

    OLGA. Au chef-lieu du district. La sentence était exécutée au commissariat central où siégeait le komtamych, le chef suprême de la police et de la gendarmerie. Au milieu de son bureau, il y avait une trappe circulaire dans le plancher. La condamnée se tenait sur cette trappe qu’un mécanisme faisait lentement descendre. La descente s’arrêtait lorsque la poitrine de la femme se trouvait à peu près au niveau du plancher, sous les aisselles, lui permettant d’appuyer ses bras. Ainsi le haut du buste, les épaules, les bras  et la tête, restaient en haut, face au grand et imposant bureau où se tenait le komtamych entouré de ses adjoints et espions. Alors que toute la partie inférieure du corps avait été descendue à l’étage du dessous où se tenaient les exécuteurs.

    En bas, la robe était remontée, les jupons retroussés, le pantalon baissé sur les mollets. Et le Chat à neuf queues entrait en action ! !

    En haut, dans le bureau richement meublé, le komtamych et son état-major se forçaient à rester toujours rigides et impassibles  –  le règlement interdisait sévèrement toute manifestation incorrecte ou déplacée  –  pendant qu’ils regardaient les contorsions, les grimaces, qu’ils écoutaient les cris, les supplications, les sanglots de celle qui se faisait fouetter ses parties inférieures au sous-sol.

    La correction terminée, la trappe remontait, on conduisait la punie dans un petit cabinet de toilette où elle se reculottait,
    rajustait ses vêtements, essuyait ses larmes, se recomposait tant bien que mal un visage à peu près présentable. On la mettait dans un fiacre qui la reconduisait chez elle si elle était libre. Dans le panier à salade si elle état condamnée à une peine de prison.

    Cela n’arrivait bien sûr pas tous les jours. Mais je peux vous assurer, monsieur le commissaire, que ces flagellations pénales au commissariat central n’étaient pas du tout exceptionnelles en Russie.

    POLICIER. Tu es venue en France pour fuir les bolchéviks ?

    OLGA. Oui, monsieur le commissaire. Appartenant à l’aristocratie  –  même la petit aristocratie  –  j’aurais été massacrée par les révolutionnaires. Comme ont été massacrés, dans des conditions atroces, plusieurs membres de ma famille.

    POLICIER. C’est à Saint-Petersbourg que tu as appris le français ?

    OLGA. Oui, monsieur le commissaire. Au lycée. Puis avec une répétitrice française que mes parents avaient embauchée pour mes deux sœurs et moi. Eliane Dufour. Une charentaise de Rochefort.

    POLICIER. Dis moi, Olga … (Zoom avant sur le policier qui penche son buste, appuie ses bras sur le bureau et regarde intensément sa prisonnière). Dans ta Russie tzariste, cette Russie à laquelle tu restes culturellement et affectivement attachée. (il lui montre le bracelet qu’il fait balancer au bout de ses doigts). Si tu avais volé dans un grand magasin … à Saint-Petersbourg, ou Moscou, ou Smolensk … aurais-tu été condamnée au fouet ?

    Le visage d’Olga (Gros plan face) reflète les diverses émotions qu’elle ressent jusque dans ses tripes. Son ventre laisse échapper des sonorités incongrues. Une intense honte lui fait fermer les yeux quand elle lâche un pet sonore. L’espace d’un instant, elle croit avoir fait dans sa culotte.

    Elle se ressaisit toutefois et parvient à soutenir le regard du policier.

    OLGA (d’une voix rauque, sourde, presque un grondement animal). Oui, monsieur le commissaire.

    Il se lève (Plan moyen rapproché), va jusqu’à la porte qu’il ouvre (Pano suivi gauche-droite).

    POLICIER (de dos, se penchant pour parler à un agent que nous ne voyons pas dans le couloir). Reconduis-là dans sa cellule.

    Il fait signe à Olga de se lever et la fait sortir (Pano-travelling suivant leur sortie).

    POLICIER. Suivez cet agent, nous nous reverrons plus tard.

    Il revient s’asseoir derrière son bureau (Raccord dans le mouvement, plan américain large), le policier regarde son téléphone en pianotant le dessus de la table.

    Il décroche le combiné, appuie plusieurs fois sur la fourchette pour obtenir la sonnerie.

    POLICIER. Je veux le 48 à Clichy … La ligne est occupée ? … Bien, j’attends … Merci, mademoiselle.

    Il raccroche. Il rassemble quelques papiers épars, les range sur le sommet d’une pile. Il se remet à pianoter, les yeux fixés sur son téléphone.




    INTÉRIEUR, JOUR
    Le même café

    Toujours derrière sa caisse, portant toujours son tablier à carreaux rouges et blancs (cette fois par-dessus une affreuse blouse à fleurs), la patronne fait ses comptes. (Plan d’ensemble)

    Le téléphone sonne. Elle décroche (Zoom avant en légère plongée).

    PATRONNE. Oui.

    Elle écoute longuement son correspondant. Son visage bouffi jubile, elle rit avec un bruit de crécelle. Elle pêche une cigarette dans un paquet de Gitanes, l’allume en frottant l’allumette contre sa cuisse.

    PATRONNE. Tu parles ! !

    Elle continue d’écouter en soufflant la fumée par ses narines.

    PATRONNE. Elle est trop belle pour être vraie, ton histoire.

    Le combiné toujours contre son oreille, elle ouvre le tiroir de sa caisse, en sort un jeu de cartes. Elle coupe. Dispose trois cartes en éventail, de dos. Trois autres cartes côté face. Elle retourne les cartes de dos pour les comparer aux autres. Ses lèvres s’ourlent pour émettre un sifflement prolongé.

    PATRONNE. Tu sais bien que je n’ai rien à te refuser, mon bébé. Emballe ta Ruskof et envoie-la moi, je me charge d’elle.




    EXTÉRIEUR, NUIT
    Grands boulevards

    Olga passe devant un théâtre à la façade illuminée comme un arbre de Noël (Plan d’ensemble).

    Elle lève la tête pour regarder le panneau annonçant le spectacle.

    Une grande peinture en couleurs, délibérément faite pour « donner le frisson », montre une femme agenouillée en chemise de nuit, éplorée, suppliant de ses mains jointes un géant barbu, coiffé d’un chapeau de brousse, botté, un étui de pistolet à sa ceinture. L’homme tient dans sa main droite un long fouet de bouvier en cuir tressé.

    LA REVANCHE DU BOER.

    Olga se sauve en rasant les murs.




    INTÉRIEUR NUIT
    Chambre de la patronne.

    La pièce, assez grande, sent à la fois le confort et le mauvais goût.

    Confort : tapis moelleux ; sièges profonds ; velours épais ; dessus de lit en satin brillant immaculé de propreté. Sur la commode est posé un phonographe « La Voix de son Maître » dernier cri, superbe dans son coffrage en acajou verni, son plateau anti-vibrations et son bras de lecture doré (c’est en 1920 que sont apparus les premiers phonographes à amplificateur incorporé, supprimant l’encombrant pavillon).

    Mauvais goût : couleurs criardes ; débauche de peluches ; bronze faux art-déco. Sur le lit, une poupée « patriotique » (costume alsacien kitsch). Au mur, un affligeant chromo est censé représenter le brame des cerfs au clair de lune. Sur la coiffeuse, plusieurs cadres contiennent des photos dédicacées de soldats : spahis ; marsouins ; légionnaires. Tous les cendriers débordent de mégots portant des traces de rouge à lèvres.

    Drapée dans un peignoir à grosses fleurs sur lequel elle a noué un tablier taille vert pomme, la patronne fume une de ses éternelles Gitanes. La poche rapportée du tablier représente un gros ananas (l’exotisme est à la mode, « L’Empire français » a le vent en poupe.) La patronne croise ses jambes. Par le peignoir entrouvert, sous le tablier, on découvre des genoux enrobés de cellulite, des cuisses énormes. Au bout de son pied, elle maintient en équilibre et fait danse une mule décorée de plumes de cygne.

    Olga, toujours élégante, est assise en face d’elle (Plan d’ensemble).

    Le martinet est posé sur une table basse, entre elles deux.

    OLGA (Plan rapproché ¾ face). Vous l’aimez ?

    PATRONNE (3/4 dos). Il est gentil avec moi. Il me couvre pour quelques petits trafics lucratifs. Et il baise bien.

    OLGA. Est-ce qu’après avoir subi mon châtiment je serai … comme vous dites ?

    PATRONNE. Non. Tu ne risques rien de ce côté-là.

    OLGA. Votre jeu est pourtant sexuel.

    PATRONNE. C’est évident. Seulement Franck a certaines particularités … que je sais satisfaire.

    OLGA. Des goûts spéciaux ?

    PATRONNE. Ça peut se dire comme ça.

    OLGA. Comment puis-je avoir confiance en monsieur Levasseur ? Il me dit que si j’accepte de recevoir le fouet, il n’y aura pas de poursuites judiciaires. Comment puis-je en être certaine ?

    PATRONNE (3/4 face en légère contre plongée). Tu ne peux pas. Tu n’as que notre parole. Je peux toutefois te dire une chose, Olga : tu n’est pas la première  –  et tu ne seras certainement pas la dernière  –  voleuse à qui Franck propose ce marché. Il a toujours été régulier. Les femmes qui ont été fouettées ne sont jamais allées au tribunal.

    OLGA (3/4 dos). Il y en a beaucoup ?

    PATRONNE. Quelques unes. Nous devons être très prudents, on ne peut pas proposer ce marché à tout le monde.  

    OLGA. C’est parce que je suis Russe, n’est-ce pas ?

    PATRONNE. Bien sûr. Tu lui a parlé toi-même de l’importance des châtiments corporels dans ton pays. Et tu risques beaucoup plus que quelques mois de prison. Si ton affaire de vol suit son cours normal, tu seras expulsée de France comme indésirable. Le fouet n’est qu’un mauvais moment à passer. Où irais-tu ? Tu te vois dans un pays dont tu ne parles pas la langue ? Crois-moi, ma poule, tu as fait le bon choix.

    OLGA (Gros plan 1/3 profil) (soupirant). Je l’espère.




    EXTÉRIEUR, JOUR
    Rue populeuse (2)

    La rue commerçante que nous avons déjà vue.

    Maison où habite Olga, entre la boucherie chevaline et le « bouillon » (Plan général rapproché)

    Olga sort de chez elle. Perchée sur un escabeau, toujours ficelée dans un immense tablier bleu qui l’emmaillote du menton aux chevilles, la jeune serveuse lave la vitrine du restaurant à grande eau.

    OLGA. Bonjour Pierrette.

    PIERRETTE. Bonjour, m’dame.

    OLGA. Pas trop de rhum hier soir ?

    PIERRETTE. Ah ! ben non … Après ce que vous m’avez dit j’fais gaffe, vous pensez !

    Joignant la mimique à la parole (Contre plongée), son visage prend une expression faussement effrayée pendant que, de sa main libre, elle frotte ses fesses dans la fente du tablier





    INTÉRIEUR, JOUR
    Une grande quincaillerie

    Un de ces bazars-drogueries que l’on appelait autrefois des « marchands de couleur ».

    Olga se promène entre les rayons chargés de produits ménagers les plus divers (Succession de plans d’ensemble)

    Elle arrive devant des seaux.

    Une quinzaine de seaux en tôle galvanisée sont empilés par terre (Gros plan). Il y en a de plusieurs tailles. Chaque seau a une étiquette attachée à son anse, indiquant son prix. Olga en soulève un, le soupèse (Plan  rapproché ¾ dos), puis elle continue sa visite.

    Des serpillières sur une étagère (Gros plan). Serpillières neuves, allant du grège presque blanc au gris-brun. Des grandes, des plus petites. Olga en prend une en haut d’une pile, la déplie, l’examine (Plan rapproché ¾ face). Elle la replie, la remet à sa place et repart (Raccord dans le mouvement, suivi pano).

    Un grand tub de zinc est rempli de brosses en chiendent (Plan rapproché). Comme pour les seaux, chaque brosse a son étiquette.

    Olga marche (Plan d’ensemble) entre des rayons surchargés de batteries de cuisine, marmites, bassines, presse-purée, passoires, écumoires, hachoirs, mortiers de marbre, casseroles en aluminium, casseroles en cuivre étamé, poêles, daubières, chaudrons, rôtissoires …

    Elle arrive devant des patères où sont suspendus les tabliers.

    Lent pano-travelling gauche-droite sur les patères. La première a des tabliers fantaisie suspendus à ses crochets par leur cordon de cou. (Après un ralentissement sur l’image, le pano passe à la patère suivante). Ici se trouvent les tabliers-taille, suspendus par leur ceinture nouée. (Suivi lent). La troisième patère présente des tabliers de cuisine déjà plus fonctionnels, plus « sérieux » (Ralentissement sur l’image). Il a ici des tabliers unis, rayés, à carreaux, à pois … décorés de légumes ou de fleurs … poches de côté ou grande poche ventrale … cordon de cou classique ou bretelles croisées dans le dos … Tous sont longs, enveloppants, pourvus d’une large bavette qui protège bien la poitrine et encercle les seins. Olga (Plan rapproché) les écarte, en soulève quelques uns. Elle semble intéressée (Retour au pano lent).

    La quatrième et dernière patère présente le classique et immortel Tablier Bleu (Arrêt sur l’image). Le grand tablier en forte toile bleu marine, raide et inconfortable quand il est neuf, s’assouplissant et s’éclaircissant au fil des lavages, jusqu’à devenir bleu ciel au bout de quelques années de service quotidien. Le grand tablier bleu qu’ont porté nos grand-mères et arrière grand-mères. Parfois nos mères. Et que portent encore (on en vend toujours) les professionnelles des métiers de bouche, beaucoup de marchandes, les servantes et filles de salle. Mais aussi certaines femmes, jeunes ou moins jeunes, pour qui « Le Grand Tablier Bleu » véhicule une forte image mentale : représentation symbolique de la « Maîtresse Femme », travailleuse, efficace, attaquant de front et sans crainte les tâches matérielles les plus rudes, les plus rebutantes … Une femme qui sait briquer, récurer, chasser la saleté … La « Fée du Logis » … Menant sa maisonnée tambour battant. Faisant filer doux servantes et marmots. Une femme qui n’éprouve pas la moindre gêne à suspendre le martinet au mur de sa cuisine, à la vue de tous. Simple avertissement.

    Olga (Plan rapproché) en soulève quelques uns, palpe l’étoffe, lit les étiquettes (Gros plan) Les tailles vont de 1 à 4. (Retour sur Olga en plan américain). Elle décroche un tablier, en écarte les pans pour juger de sa largeur. Elle tient le tablier devant sa robe comme si elle le mettait, sans toutefois se passer le cordon autour du cou. Elle baisse la tête, examine son ventre et ses cuisses pour juger de l’effet. Elle remet le tablier là où il était.

    (Gros plan sur) Le visage d’Olga, songeur. 

    Elle se dirige vers la sortie (Plan général). Au moment se sortir elle lève la tête (Plan rapproché en légère plongée).

    Des bottes de martinets sont suspendues au plafond (Gros plan en contre plongée). Manches rouges, manches jaunes. Lanières claires ou foncées. Deux bottes sont pleines. La troisième n’a plus que quatre martinets, montrant que les autres ont été vendus. (Arrêt sur l’image).

    Cette image des martinets suspendus reste dans le champ pendant sept à huit secondes. Puis elle s’estompe et pâlit lentement jusqu’au

    FONDU AU NOIR.  





    INTÉRIEUR, NUIT
    Salle du café

    Le rideau de fer est baissé. De lourdes tentures étouffent les bruits. Vêtu d’une toge rouge de magistrat, Frank Levasseur se tient debout derrière le comptoir, un marteau de commissaire priseur à la main (Plan d’ensemble large).

    La patronne est déguisée en mère Mac Miche : longue blouse démodée, laide et ridicule. Invraisemblable tablier à bretelles surchargé de poches, fronces volants. Bonnet de paysanne d’autrefois. Lunettes cerclées de métal. Droite comme un I, imbue de son importance, elle lit pompeusement l’acte d’accusation. Elle roule les mots dans sa bouche pour parodier le langage emphatique, ampoulé, employé par les gens de robe.

    PATRONNE. ….. bafouant sans conscience ni remords la nation qui l’a généreusement accueillie dans son sein, cette femme que, malgré ma compassion, je ne puis désigner autrement que par le qualificatif de scélérate ….

    Le marteau tombe une fois.

    FRANCK. Olga Evgeniya Goulovine, vous êtes reconnue coupable de vol à l’étalage. La Cour vous condamne à recevoir cinquante coups de martinet sur vos fesses nues.

    Second choc du marteau sur le zinc.

    FRANCK. La Cour vous condamne en outre à servir pendant deux mois comme bonne à tout faire et fille de cuisine au café à l’enseigne LE PETIT TERMINUS, tenu par madame Germaine Marguerite Marie-Louise Fichet.

    PATRONNE (se dressant les bras en croix et clamant d’une voix de tragédienne). La Cour en rendu son verdict.

    FRANCK (à la patronne). Préparez cette voleuse à recevoir sa peine.




    EXTÉRIEUR, NUIT
    Grands boulevards.

    La foule sort du théâtre illuminé où l’on joue LA REVANCHE DU BOER.

    Une jeune femme enlace son mari et se serre frileusement contre lui (Plan américain rapproché).

    ELLE (visage angoissé). La fessée je peux comprendre. Quand une femme l’a méritée, il faut la lui donner. Mais LE FOUET … ! ! !

    LUI. Maartje avait trahi les siens en couchant avec cet officier anglais.

    ELLE. LE FOUET … Oh ! mon dieu ! ! !




    INTÉRIEUR, NUIT
    Salle du café.

    Gros plan sur les fesses nues d’Olga, déjà bien balafrées par les lanières. La main de la patronne entre dans le champ à droite. Elle écarte lentement, l’un après l’autre, les pans du tablier bleu qu’elle repousse encore plus loin sur les hanches afin de bien dégager la cible. Elle tapote la peau sensible qui frémit et se contracte : une vingtaine de claques légères, énervantes, humiliantes. Du bout de son doigt elle suit sur toute sa longueur l’un des bourrelets laissé par la morsure du « chat ». Elle recommence le même manège sur un autre bourrelet.

    Gros plan sur le visage d’Olga, crispé, haletant.

    Plan moyen sur la patronne et Levasseur. Il tient le martinet (le « Chat », modèle réglementaire des prisons) dans sa main droite. La patronne (3/4 face) le regarde. Elle est en blouse et tablier. Olga est courbée en position, le buste à plat sur une table, ses bras tirés au dessus de sa tête, ses poignets attachés aux pieds de la table par des bracelets de cuir. Ses jambes sont écartées, les chevilles fixées aux autres pieds. Elle est nue sous un tablier bleu. Sa croupe, bien rouge, est sérieusement gaufrée.

    La patronne se met à claquer légèrement, mais très rapidement, les fesses d’Olga. D’une main (Gros plan) elle écarte sa raie fessière. De l’index de l’autre main, elle palpe, tapote, caresse le sillon brun, remontant depuis les lèvres engorgées jusqu’au bouton rectal.

    OLGA (visage hors champ) Aaaaahh ! ! …. Mmmmmmm …. Rôôôôôh ….

    Son cul se tortille dans tous les sens alors que la patronne ne la touche plus.

    Plan moyen sur la patronne qui fait un clin d’œil à Levasseur.

    PATRONNE. Je te l’avais dit.

    Elle fait signe à Levasseur de la suivre. Laissant Olga attachée sur sa table, elle l’entraîne (Raccord dans le mouvement et pano-travelling) dans un petit couloir sombre qui part de la caisse et aboutit à l’escalier menant à l’étage. Elle s’éloigne suffisamment pour que Olga ne puisse pas entendre leur conversation.

    PATRONNE. Laisse-moi lui donner les vingt-cinq derniers coups.

    FRANCK (réticent, se sentant frustré). Pourquoi ?

    PATRONNE (Plan américain serré ¾ face). Parce que c’est une recrue en or que tu as trouvée là. Je n’aurai qu’un mot à dire pour la faire entrer dans notre confrérie.

    FRANCK (de dos). Je sais fouetter aussi bien que toi.

    PATRONNE. Mieux que moi pour punir une pétasse. Moins bien pour la faire baver du clito.

    FRANK (haussant les épaules). Comme tu voudras.

    Elle lui prend le fouet des mains. Ils reviennent dans la salle (Travelling arrière).

    Les vingt-cinq derniers « coups », administrés par la patronne, sont de l’érotisme pur (si quelqu’un de plus doué que moi veut développer cette scène, il est le bienvenu.)

    La patronne est une artiste du fouet : tantôt les lanières voltigent et dansent, légères, tout juste piquantes … Tantôt elles cinglent plus fort à la base des fesses, entre les cuisses, là où la peau est particulièrement sensible … Olga, complètement déstabilisée au moral comme au physique, éprouve parfois l’impression affolante d’être fessée par des ailes de libellule. Puis d’avoir ses globes turgescents grattés par mille pattes d’insectes.
      … Assise sur une fourmilière ! !
      … Frottée au papier de verre ! !
      … Époussetée au plumeau ! !
      … Fouaillée avec des rubans de soie ! !

    La patronne envoie le martinet exactement sur la cible qu’elle a choisie : les reins ; la croupe ; les cuisses ; l’entrejambes ; la raie au fond de laquelle la rosette anale pulse, se dilate et se contracte comme une fleur de corail balayée par des courants marins contraires. Les lanières ne frappent pas, ne cinglent pas, ne mordent pas. Elles vibrent, chantent, murmurent, chuintent. L’air en est électrisé. Olga croit qu’elle va exploser. Ses petites lèvres mouillées sont ourlées de milliers de minuscules perles de nacre. Son clitoris sort lentement et précautionneusement de sa gousse, ainsi qu’un escargot de sa coquille.

    Cette scène, faite d’un enchaînement de plans raccordés, demande une prise de vue très mobile : l’envol rapide des lanières … La patronne attentive à sa tâche, lèvres pincées, front plissé … Visage affolé d’Olga … Raideur presque désapprobatrice de Levasseur … Anus palpitant ; cuisses ouvertes ; vulve luisante … La patronne fouette très doucement, mais méthodiquement, les grandes lèvres qui se cabrent, frétillent et exécutent sous cette rude stimulation une sorte de danse sauvage …

    OLGA (visage hors champ). Houuuuuu … NON ! ! !  …  OUI ! ! ! ….Haa ! ! … Oh ! qu’est-ce qu’il m’arrive ? …. Rôôôôôôôh ! !

    Les plans de cette flagellation purement érotique se poursuivent. La bande sonore transcrit les cris, les râles, les onomatopées d’une femme en train de se payer un fabuleux orgasme. (Plans enchaînés rapides, les raccords seront faits au montage)

    L’image pâlit lentement. Le son faiblit jusqu’au

    FONDU AU NOIR




    STOCK SHOT
    Carte postale ancienne

    Une carte postale datant des années 1895-1900. Des nounous promènent des enfants dans un jardin public. Elles portent l’uniforme de leur fonction : coiffe blanche ; col à ras du cou ; chaussures à talons plats ; tablier, évidemment …

    Elles sont caparaçonnées dans de surréalistes tabliers blancs à bretelles, raides d’amidon, qui les enveloppent sévèrement du menton aux chevilles.




    INTÉRIEUR, NUIT
    Chambre de la patronne

    Frank Levasseur est au lit (Plan d’ensemble). La patronne (de dos) prépare quelque chose sur un meuble qu’on ne voit pas.

    Frank porte un bonnet de coton à pompon. Sa tête est calée sur l’oreiller, le drap et la couverture tirés très haut sous son menton.

    La patronne porte un tablier de caoutchouc noir, noué sur une blouse blanche.

    Frank (Plan rapproché) paraît inquiet.

    La patronne se retourne (Plan américain large). Dans une main elle tient un broc émaillé, dans l’autre la canule reliée au broc par un long tuyau rouge.

    PATRONNE. Voilà.

    FRANCK (Hors champ). Combien ?

    PATRONNE. Deux litres.

    FRANCK (Plan moyen large). Oh non, nounou … Je t’en supplie ! (Il sort ses épaules des draps, se hisse plus haut sur l’oreiller). Pas deux litres ! !

    PATRONNE (Entrant dans la champ à gauche, tenant les instruments du lavement). Vilain garçon ! !  Qu’as-tu fait hier soir ? Inutile de mentir, je sais tout.

    FRANCK (Larmoyant piteusement). J’ai volé du chocolat.

    PATRONNE. Et que s’est-il passé ensuite ?

    FRANCK. J’ai eu mal au ventre toute la nuit.

    PATRONNE. Tu as réveillé ta nounou qui t’a mis sur le pot.

    FRANCK. Oui, nounou.

    PATRONNE. Et qu’as-tu fait dans ton pot ?

    FRANCK (pleurant). Rien.

    PATRONNE. Rien.

    FRANCK. Non ! !

    PATRONNE. Pourquoi ?

    FRANCK. Parce que je suis constipé.

    PATRONNE (triomphante) Voilà !  Nous y sommes. Nous avons été pris à notre propre piège. Nous nous sommes conduits comme un porc. Nous nous sommes honteusement goinfrés de chocolat. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Nous sommes naturellement constipés et n’arrivons pas à faire notre gros caca. N’est-ce pas, vilain garnement ?

    FRANCK. Oui, nounou.

    NOUNOU. Ressens-tu la honte de devoir, à ton âge, recevoir un lavement des mains de ta nounou pour ta gourmandise ?

    FRANCK. Oui ! Oui ! J’ai honte ! ! !

    La patronne pose les instruments sur la table de chevet. Elle va chercher (Raccord dans le mouvement, pano-travelling gauche) un porte manteau qu’elle rapproche du lit. Elle y suspend le broc.

    PATRONNE (elle rabat la couverture et le drap, découvrant Franck en chemise de nuit). En position. Deux litres.

    Franck Levasseur s’agenouille sur le lit, la croupe dressée, le visage enfoui au creux de l’oreiller.

    La patronne (Plan rapproché, ¾ dos) lui retrousse sa chemise de nuit jusqu’au dessus des reins. Elle glisse son index dans la raie qui se resserre.

    PATRONNE (3/4 face). Je vois ce qu’il faut.

    Elle glisse une main sous l’épais caoutchouc du tablier, sort de sa poche de blouse un tube de vaseline. Elle dévisse le bouchon du tube qu’elle pose à côté du broc. Elle s’enduit de vaseline l’index de la main droite.

    Gros plan de face sur le visage de la patronne, sévère. Elle tient droit devant elle, à hauteur de son nez, son doigt vaseliné qui lui partage le visage en deux. Un Éclairage latéral ponctuel illumine le doigt que la couche de vaseline fait briller de mille feux. Un Zoom avant rend le doigt flou sur fond du visage net. Suivi d’un Zoom arrière qui donne l’effet inverse : doigt net devant le visage flou.

    PATRONNE (voix grondeuse). Voici comment on rend souple et malléable le trou-trou d’un vilain garçon.

    Gros plan sur le massage et la pénétration du rectum.

    FRANCK (hors champ). Faible protestations … suivies de râles de plaisir.

    Le lavement est pris en alternance de Gros plans sur la canule et son robinet ; Plans américains serrés sur la patronne qui surveille le déroulement de l’opération et règle les appareils ; Gros plans sur le visage de Franck qui reflète les diverses émotions qu’il ressent ; un Gros plan sur le tube de vaseline ouvert, à côté de son bouchon. 

    En finale : un Gros plan en plongée verticale montre l’intérieur du broc. Un Trucage fait que l’eau se met à tourbillonner, le broc se vide à toute vitesse.

    Plan moyen sur la patronne qui glisse son bras sous le ventre de Franck, toujours agenouillé les fesses hautes. Sa main palpe le ventre et le masse.

    FRANCK (Off). Hou-ou-ou … Oh ! !

    PATRONNE. Deux litres ça gonfle.

    Gros plan sur une pendule art-déco. Le cadran doré, enchâssé dans une plaque de marbre noir, est chevauché par une Diane qui vise une biche de son arc bandé. Les aiguilles indiquent dix heures moins le quart.

    PATRONNE (Off). Dix minutes.

    FRANCK (Off). Protestations geignardes d’un môme puni.

    PATRONNE (Plan général). Tu peux te mettre sur le dos, tu seras mieux.

    Franck se couche sur le dos, tenant son ventre à deux mains. Il est toujours en chemise de nuit, son bonnet de coton sur la tête. La patronne ôte son tablier de caoutchouc qu’elle pose sur le dossier d’une chaise, restant en blouse blanche. Elle va s’asseoir dans le fauteuil, sort son paquet de Gitanes, allume une cigarette en frottant l’allumette sur le bord de sa fesse.

    Plan rapproché sur la patronne en train de fumer d’un air rêveur.

    En voix off on entend Franck gémir, se plaindre … affirmer qu’il ne peut plus garder son lavement, qu’il va expulser sur le lit.

    Trucage : la fumée de la cigarette que fume la patronne s’assemble pour former des traits réguliers qui dessinent un martinet.

    PATRONNE. Si tu taches ta chemise de nuit, tu sais ce qui t’attend.

    FRANCK (Off, criant presque). Oui nounou, je le sais ! ! !

    PATRONNE. C’est quoi, mon bébé ?

    FRANCK (Off). La fessée ! ! !

    Trucage : la cigarette entre les doigts de la patronne est encore presque entière. Elle se consume à toute vitesse jusqu’à n’être plus qu’un mégot.

    PATRONNE (Plan moyen rapproché). C’est bon, tu peux y aller.

    Franck (Plan d’ensemble) se lève prestement et court au cabinet en tenant son ventre.

    Le Son nous rend les bruits d’une expulsion en trois temps, chaque temps ayant sa « musique » particulière.

    Première débâcle, prolongées et violente … Seconde expulsion, un peu plus modérée … Troisième expulsion saccadée, par à-coups, entrecoupée de borborygmes et de pets bruyants.

    La patronne quitte son fauteuil pour aller à la commode dont elle ouvre le dernier tiroir du bas.

    Plan moyen large sur la patronne qui sort plusieurs articles du tiroir. Elle nous les montre un à un, comme le ferait une démonstratrice.
    – Une couche-culotte, qu’elle pose sur le lit.
    – Des langes, également sur le lit.
    – Une boîte, mise sur la commode.
    – Une tétine, sur la commode.

    Gros plan sur la boîte et la tétine. Sur la boîte nous lisons TALC.

    La patronne (Plan rapproché serré) soulève le couvercle de la boîte, sort une houppette qu’elle nous montre. Elle referme la boîte. Elle la pose pour prendre la tétine et nous la montrer. Puis elle tient la couche-culotte en évidence devant elle, comme un écriteau qu’elle porterait sur la poitrine.

    PATRONNE (regardant le public). Eh oui, vous l’avez d’ailleurs certainement compris. C’est ça la faille de Franck. Son talon d’Achille. Il est à moi. C’est mon bébé.

    Trucage. Franck est couché sur le dos au milieu du lit (Plan rapproché large). Sa tête est bien sa tête d’homme, mais son corps est celui d’un nourrisson tout nu. Il ne porte que la couche-culotte. Ses jambes potelées s’agitent dans tous les sens. La tétine est solidement coincée dans sa bouche. Il a l’air ravi.

    Plan américain sur la patronne qui prend son paquet de Gitanes, on sort une, l’allume en frottant l’allumette sur sa fesse.

    Elle aspire une profonde bouffée, expire lentement un long pinceau de fumée qui traverse le champ à l’horizontale.

    Elle tourne sa tête vers nous pour nous adresser un clin d’œil.

    PATRONNE. C’est la vie.



    FONDU ENCHAÎNÉ SUR




    EXTÉRIEUR, JOUR
    Immeuble d’Olga

    Plan d’ensemble. Olga sort de chez elle, regarde le ciel.

    Pierrette, ficelée dans son immense et immuable tablier bleu, s’approche d’elle sur le trottoir.

    PIERRETTE (Plan américain ¾ face). Il va pleuvoir.

    OLGA (1/4 profil). Ça m’en a l’air, oui.

    PIERRETTE. Ne prenez pas froid.

    OLGA. Votre gorge va mieux ?

    PIERRETTE. Ma gorge, oui. Le mal s’est déplacé.

    OLGA. Ah !  Où avez-vous mal maintenant ?
     
    PIERRETTE (frottant son derrière). Là.

    OLGA. Vous êtes tombée ?

    PIERRETTE. Non.

    La servante s’approche tout près d’Olga (Plan rapproché serré) pour lui dire d’un ton de confidence :

    PIERRETTE. Vous savez, la transmission de pensée ça existe. Parce que mon homme il a fait exactement ce que vous disiez.

    OLGA. Ah ?

    PIERRETTE. Oui. Il a senti mon haleine. Il a dit que j’avais encore trop bu. Il m’a mis une fessée.

    Arrêt de l’image sur

    Le visage (Gros Plan) d’Olga, interloquée, saisie, mais aussi amusée, intéressée, stimulée.

    Plan fixe sur cette image du visage d’Olga pendant au moins une minute, pendant que la bande sonore nous fait entendre une série de claques sèches et pétaradantes, appliquées avec vigueur sur un postérieur dénudé.

    FONDU AU BLANC


    FIN





     





     

     

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