• Le fil blouse de ma vie, épisode 12

    Le fil blouse de ma vie (mars 2020 – mai 2022), un récit qui m'a été envoyé par "I", vous n'en saurez pas plus que son initiale. Avec un grand merci à elle.


    Le fil blouse de ma vie, épisode 12  (suite 3/4 – Lycéenne)

     

    De cette période, d’autres souvenirs me reviennent.

    La tante, celle qui s’occupait de moi quand j’étais en primaire, c’était cassée le bras alors que j’étais au lycée en classe de terminale. Elle avait demandé à mes parents si je pouvais passer l’aider chez elle le mercredi après-midi comme je n’avais pas cours. Pour obéir aux ordres qui m’avaient été donnés par ma mère et qu’elle avait communiqués à ma tante, je devais donc troquer le midi dès mon retour à la maison ma blouse de lycée par celle de maison pour aller aider ma tante. Pour ma mère qui me l’indiqua sans ambiguïté, cela allait de soi que je devais faire aussi le trajet jusque chez elle avec ma blouse!

    La première fois, obéissante comme d’habitude je suis partie avec ma blouse sur moi alors que j’allais chez ma tante sans mon sac, je ne pouvais donc pas la cacher dedans et la mettre juste avant d’arriver comme je faisais en rentrant du lycée. J’enfilais mon ciré par-dessus pour la cacher au maximum.

    Heureusement, cette semaine-là, c’était une blouse que je ne détestais pas: la bleue, boutonnée sur le côté, avec le liseré rouge, mais quand même! Ma tante habitait dans un autre quartier de la ville assez éloigné de chez nous, et pour moi pas question de prendre le bus en blouse. Je partis donc à pied et ma préoccupation essentielle, alors que j’aurais trouvé bien agréable d’avoir l’esprit tranquille et regarder plaisamment les vitrines, était qu’on ne voit pas que j’avais une blouse sur moi!

    Cependant, seule, je ne fermais que quelques boutons, accentuant largement l’échancrure de ma blouse pour en cacher plus facilement le haut sous mon ciré. Je ne boutonnais le haut et le col de ma blouse qu’une fois arrivée juste avant de frapper chez ma tante.

    Mon ciré noir était sensiblement de la même longueur que ma blouse, mais même complètement fermé, il pouvait s’ouvrir en marchant car la glissière était plus courte et ne descendait pas jusqu’en bas du ciré. J’ai marché en guettant le regard des passants que je croisais, et j’imaginais ce que certains pouvaient penser, par exemple que j’étais une jeune fille qui se rendait au lycée, une jeune travailleuse allant faire des heures de ménage ou autres activités, une employée de magasin? Cependant, ma plus grosse crainte était de croiser d’autres élèves du lycée, surtout des internes qui pouvaient sortir en ville sans blouse quelques heures le mercredi, comme le samedi ou le dimanche. Je visualisais la scène: un groupe de filles autour de moi, surprises ou moqueuses:
    – «Tiens! I... tu gardes aussi ta blouse même en dehors du lycée?»

    Toutefois, cela n’est pas arrivé. Il n’y eut sans doute que peu de passants remarquant une blouse très peu visible, et cela pouvait paraître encore normal, même en ville, une jeune fille ou une femme vêtue d’une blouse.

    Aussi, le second mercredi, perdue dans mes pensées, ce n’est que déjà assez loin de chez ma tante que je me suis aperçue que j’avais fait une partie du retour mon ciré pas fermé complètement, et oublier d’ouvrir le col de la blouse une fois sortie de chez elle. J’ai déboutonné ma blouse aussitôt, mais je me suis rassurée en me disant que de toute façon je n’avais rencontré personne qui me connaissait, et que les gens qui m’avaient vu en blouse n’avaient pas d’importance pour moi.

    Les deux mercredis qui suivirent j’osais à l’aller enfreindre la consigne, je pris mon sac où je fourrais ma blouse pliée et je la mettais sur le premier palier de l’immeuble de ma tante juste avant de frapper à la porte. Au retour, il était impossible de partir sans la blouse sur le dos, ma tante n’aurait pas compris que j’arrivais avec et repartais sans, donc en fonction de la météo je la gardais sous le ciré fermé ou l’ouvrais dehors si mon ciré l’était. Je me préoccupais moins des passants dans la rue. Seule la crainte de rencontrer des filles de la classe demeurait, mais j’évitais soigneusement les secteurs où je pensais qu’elles pouvaient aller.

    Quand je repense à cette période maintenant, je considère que j’étais vraiment une fille très, très obéissante.

     

    Une partie de notre famille vivait dans les petites villes dans la campagne environnante et chaque été c'était les retrouvailles.

    J'aimais bien cette époque où je revoyais mes cousins et cousines, nous passions de longs moments à bavarder. Étant seule, j'étais curieuse de savoir comment se passait la vie pour eux.

    C’était aussi l'occasion pour mes tantes de vider un peu leurs armoires. Parmi les vêtements dont elles se débarrassaient se trouvaient évidemment quelques blouses que ma mère récupérait pour elle ou me faisait porter soit à l'école, soit à la maison en fonction de leur état. C'est ainsi que je me souviens l'année de mes seize ans, avoir reçu ma première blouse sans manches avec de grandes emmanchures. Elle était en excellent état. Elle avait été très peu portée à son travail par une de mes tantes vendeuse dans un magasin de chaussures. N’ayant que des fils, c’est ma mère ou moi qui héritait des vêtements dont elle voulait se séparer. Cette blouse couleur bleu marine se fermait en plus avec une fermeture éclair. J'étais contente car elle n’avait pas de manches, et je l'ai mise seulement quand c’était utile durant le mois de juillet pour aider chez ma grand-mère. Ensuite le lycée a repris, je ne pouvais pas mettre cette blouse sans manche, et ma mère qui la prenait parfois, ne m'autorisait à la mettre uniquement que le dimanche à la maison. L'année suivante ma tante annonçât que dans son magasin il avait changé de standing, et qu’elle ne portait plus de blouse mais un tailleur uniforme, aussi elle annonça:
    – « Voici une de mes deux dernières blouses, celle d’hiver avec des manches, je garde l’autre sans manche pour moi ».

    Elle était en très bon état, presque neuve, toujours de couleur bleu marine, col officier, manches longues, zippée devant avec une ceinture que ma mère décousue par la suite. Ma mère était très contente car je pourrai la mettre pour le lycée à la prochaine rentrée ou la suivante, et cela lui évitait d’en acheter deux comme d’habitude. Dans les faits, j'ai porté cette blouse deux ans plus tard durant ma dernière année au Lycée.

     

    Au début des années 80, correspondant au déclin du port de la blouse de façon habituelle et naturelle dans la population, je me souviens que mes parents vivaient cela à contre-courant, et que ma mère ne tenait pas compte de cette tendance pour m'imposer la blouse en permanence. Pour elle il était toujours normal et même indispensable, que je mette une blouse autant à l'école qu'à la maison, comme elle, voire en porter une à l’extérieur en fonction des circonstances.

    Ainsi, j’avais une blouse lorsque nous étions ou rendions visite à la famille encore à seize/dix-sept ans, voire dix-huit comme sanction de mon comportement ou pour aider sur place. Avant de partir, je m’habillais normalement sans blouse. C’est à ce moment que ma mère se doutant de mon «oubli» me faisait venir dans la cuisine. Comme chaque fois, elle avait préparé les blouses et attendait le dernier moment, afin d’éviter les discussions pour me demander d’en enfiler une pour aller dans la famille.

    Sauf si j’étais punie où elle m’imposait alors son choix, elle me proposait toujours l’alternative entre deux blouses en nylon des années précédentes, et me demandait avec laquelle veux-tu aller chez oncles, tantes ou grand-mère dont la majorité habitait à la campagne.

     

    ( à suivre… )

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  • Commentaires

    1
    totoche_bernard
    Vendredi 2 Septembre 2022 à 14:36

    Toujours super. Continuez, cela me rappelle le monde de mon enfance.



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