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Une photo sans doute assez ancienne, et que vous connaissez peut être déjà.
J'aime beaucoup non pas tout le latex, non, mais ce tablier, et cette sorte de robe de latex portée dessous. Moins la cagoule, qui doit coller à la peau…
Ce qui m'a attiré dans cette photo, c'est ce qu'elle lui met dans la bouche. Je n'arrive pas à voir si c'est un godemichet, un biberon, ou autre chose.
Mais si vous avez une idée, vous la mettrez en commentaire…
1 commentaire -
- C'est pour qui ces jolies couches, nounou?
- La couche bleue est pour les pisseux, et la couche rose est pour les pisseuses.
- Tu vas me mettre une couche bleue alors…
- Non, je vais te mettre une couche rose.
- Mais nounou, je suis un pisseux, j'ai une quéquette.
- Et alors, pour moi tu est une pisseuse, et tu auras la couche rose, et une fessée en plus.
- Oui nounou, je suis ta pisseuse, nounou.
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https://www.revesdefemme.fr/Textes/impr/9fha.pdf
Je l'ai élagué et je n'ai gardé que ce qui intéressait mes goûts.
La fabuleuse histoire de Sandrine et Sylvie (extraits)
Au début de cette histoire, Sandrine et moi partagions un appartement en ville, et je dois dire que j'étais très attirée par elle. Je profitais d'ailleurs de son absence pour fouiller dans ses vêtements, renifler ses culottes, etc. Je crois qu'elle s'en doutait, mais, à part quelques remarques ambigües, elle n'avait jamais rien dit.
Avec le temps, autant sa situation professionnelle était devenue brillante, autant la mienne était, comment dire, minable, tout simplement.
Le jour de mon anniversaire, Sandrine m'offrit un téléphone portable et m’invita dans un restaurant chic. Le maître d’hôtel me remis une carte sans prix. J’en déduis que c’était Sandrine qui en avait connaissance et que c’était cher. Je me sentis flattée, moi qui croyais ce protocole réservé aux hommes galants qui voulaient épargner toute gêne à leur conquête amoureuse. Dès l’apéritif, Sandrine commanda deux verres de Chablis. Comme je ne buvais quasiment jamais, l’alcool eut tôt fait d’empourprer mes joues. Je sentais mes inhibitions chanceler. Peut-être allais-je avoir l’audace de déclarer à Sandrine que je la trouvais magnifique et qui sait, en fin de soirée, que je la désirais. «Après tout, chaque lesbienne en ce bas monde a dû un jour se déclarer», jubilai-je intérieurement.
Une employée vint desservir les entrées; elle était comme toutes ses collègues en livrée « début de siècle », tablier blanc sur robe noire.
- «Je me demande comment ça fait d’être habillée comme ça à longueur de journée», commenta Sandrine. «C’est comme si on voulait faire de ces filles des éléments de décor, comme les parquets qui craquent et les meubles qui sentent l’encaustique.»
- «Bah, elles au moins elles ont un boulot, répondis-je. Et puis comme ça, elles se sentent appartenir à une équipe. De toute façon au bout de quelques jours, on doit s’habituer.»
- «Ça te pèse le chômage?»
- «Eh bien oui, un peu. Je tourne en rond dans l’appart'. Je devrais en profiter pour étudier, ne serait-ce que par correspondance. Mais au fond, je me demande si je suis faite pour ça. Il faudrait que je sois occupée, tout simplement.»Nous avions passé le reste du repas à évoquer des souvenirs d’enfance et à parler de la pluie et du beau temps quand Sandrine paya la facture.
- «Allons marcher un peu.»La météo était clémente en cette fin d’hiver. Nous marchions lentement au bord des quais, presque épaule contre épaule. Façon de parler car même avec des talons plats, Sandrine me dominait de quelques centimètres. Comme toujours en pareille circonstance, je me disais que c’était le moment ou jamais de tenter ma chance. Et puis les mots restaient coincés dans ma gorge; peur de passer pour une idiote sans doute, peur que ça vienne à l’oreille de mes parents, ou simplement peur d’essuyer un refus.
Au bout de quelques minutes, mon amie prit la parole en regardant droit devant elle:
- «Tu sais Sylvie, il y a quelque chose que je ne t’ai pas dit.»
Mon cœur accéléra brutalement. Et si finalement, c’était elle qui prenait les devants?
- «Eh bien voilà: j’ai visité hier un appartement à vendre. Je suis très tentée. C’est très spacieux, très bien situé. Un peu cher mais justifié. Je crois que je vais signer.»
Puis, voyant que je baissais subitement la tête:
- «Ne t’inquiète pas. Le temps que ça se fasse, tu as deux ou trois mois devant toi. Et puis je serai conciliante. On fera un transfert de bail. Je ferai les démarches auprès de ce gros porc de proprio. Je veillerai à ce qu’il ne te roule pas dans la farine. C’est mon job.»
Voyant que je marquais le pas, elle me fit face et me prit le bras, cherchant à croiser mon regard.
- «Il y a quelque chose qui ne va pas?»
- «Et bien… répondis-je avec des trémolos dans la voix. C’est que jamais mon père n’acceptera que je garde l’appartement toute seule. Déjà qu’il me dit qu’il paye à fonds perdus parce que je n’aurai jamais de situation.»
Je poursuivis en soupirant:
- «Je crois que je suis mûre pour retourner dans mon village du Perche. J’irai pointer à l’ANPE du chef-lieu d’arrondissement.»Sandrine prit la parole:
- «Tu sais Sylvie, il y a bien une idée qui me vient à l’esprit. C’est que, au départ, je ne voyais pas ça pour une copine. Mais bon…»
- «Dis toujours», fis-je sur un ton blasé.
- «Eh bien voilà. Je suis de plus en plus occupée au bureau. Je n’ai plus tellement le temps de m’occuper de mon intérieur. Le week-end, je pense plutôt à la détente et au shopping… Bref, vu la surface de l’appartement que j’ai en vue, je ne vois pas comment je pourrai m’en sortir.»
Elle poursuivit:
- «Enfin voilà, j’avais pensé embaucher quelqu’un à mi-temps pour le ménage, la lessive, et tutti quanti…Alors bon, je me sens obligée de t’en parler.»
- «C’est gentil de penser à moi mais de toute façon, je n’irai pas loin avec un demi-salaire. Et puis tu imagines la tête de mes parents ? Alors, tu as trouvé un emploi? Oui, oui, femme de ménage chez Sandrine!»
- «En fait, il y aurait bien une solution. Dans l’appartement, il y a une chambre d’ami dont je ne me servirai jamais. Il y a une petite salle de bain attenante et l’accès se trouve à côté de la porte d’entrée. Bref, c’est assez indépendant. Tu n’y serais pas mal. Je crois qu’on peut verser une partie de la rémunération sous cette forme. Si c’était moi qui prenais en charge tes frais de bouche, on pourrait même arriver à un temps plein, car on doit pouvoir défalquer tout ça du salaire. Ce serait "gagnant gagnant": moi, je loue une partie de l’appartement à quelqu’un de confiance et mes soucis de ménage disparaissent. Toi, tu n’as plus besoin de galérer. Ce que tu as à la fin du mois, c’est du net pour les sorties et les fringues.»Devant mon air dubitatif, elle enchaîna:
- «Pour tes parents, tu peux toujours leur dire que je t’ai trouvé une place de secrétaire au cabinet. Ce n’est qu’un demi-mensonge, car je serai probablement amenée à en recruter une dans les prochains mois. On en reparlera à ce moment-là.»
Puis, voyant mon regard s’éclairer:
- «De toute manière, je ne veux pas de réponse à chaud. Prends quelques jours de réflexion. Si tu te décides, tu m’appelles avec ton portable, je rédige les contrats et on signe.»Il va sans dire que j’eus du mal à trouver le sommeil ce soir-là. Evidemment, j’avais très envie d’accepter, ne serait-ce que pour maintenir le contact avec Sandrine. Elle avait même apporté une réponse satisfaisante au problème du jugement de mes parents, du moins à court terme. Le seul hic, c’était la dignité. Non pas que j’aie une grande estime de moi, mais je trouvais quelque peu contrariant d’être allé à l’université pour finir employée de maison. Et puis revenaient à la surface tous les clichés accumulés au cours de l’enfance, depuis les disputes ("Je suis pas ta bonniche") jusqu’aux contes de fées où toute princesse vivait entourée de caméristes dévouées, lui tenant lieu de faire-valoir.
Cela dit, j’entrevoyais aussi le bon côté des choses: une communauté de vie avec Sandrine et toute légitimité pour m’immiscer dans son intimité.
Le lendemain en milieu de matinée, je composai le numéro de Sandrine. Elle répondit après deux sonneries:
- «Oui Sylvie?»
- «Eh bien voilà. C’est pour ta proposition d’hier soir. Je crois que je vais accepter.»
- «Nous n’avons pas parlé salaire. Ce sera payé au SMIC. Toujours d’accord?«
- «Euh, oui bien sûr. Je m’en doutais un peu.»
- «OK. Ce soir j’apporte les contrats et on signe.»Sandrine rentra du bureau vers vingt heures. Elle tira de sa sacoche deux documents imprimés sur du papier luxueux et désigna la table de la cuisine. Nous nous assîmes de part et d’autre. Elle me tendit un stylo imposant et me mit sous les yeux un exemplaire du contrat. J’eus à peine le temps d’en lire l’entête ("Contrat de travail entre les soussignées…") que Sandrine désignait de son index un emplacement en bas de page.
- «Un paraphe ici.»
D’autorité, Sandrine tourna la page et désigna le même endroit.
- «Ici, pareil.»
Sa main et la manche de sa veste m’empêchaient de lire le texte. Les six pages du contrat défilèrent de la sorte, sauf à la dernière:
- «Lu et approuvé, et tu signes.»La signature du deuxième exemplaire fut expédiée de la même manière.
- «Tu t’occuperas aussi des procédures administratives du déménagement: eau, électricité, changement d’adresse, etc. Autrement dit, je ne m’occupe de rien. Prépare-moi chaque soir un dossier avec les formulaires et les chèques que j’ai àsigner. C’est tout.»
Puis avec un sourire ironique:
- «Tu vois, déjà un peu secrétaire! Lundi, nous irons voir l'appartement.»Je rangeai aussitôt mon exemplaire du contrat en me disant que j’aurais dû le lire avant de signer. «Bah, me rassurais-je, les avocats ont leur conseil de l’ordre et leur déontologie, ils ne peuvent pas faire n’importe quoi. De toute façon mon chômage n’est pas indemnisé, alors même si ça tournait au vinaigre, je ne perdrais rien à démissionner.»
C’est fou comme on peut se mentir à soi-même…
L'appartement était dans une résidence cossue au beau milieu d’une zone résidentielle. Nous traversâmes le jardin privatif et Sandrine pianota sur le digicode.
- «Fais-moi penser à te donner le code à l’occasion. Il faudra bien que tu sortes, au moins pour faire les courses!»Nous avions emprunté l’ascenseur jusqu’au dernier étage. Sur le palier donnaient deux portes d’entrée. Elle se dirigea vers celle de droite et précisa en glissant la clé dans la serrure:
- «Tu vas voir, c’est en duplex; j’ai déjà reçu la plupart des meubles.»Nous pénétrâmes dans un long couloir débouchant sur un puits de lumière. Cela sentait la colle et la peinture fraîche. Sandrine ouvrit la porte de gauche, immédiatement après l’entrée.
- «Ici comme tu peux le voir, c’est un cagibi. C’est là que tu rangeras tes produits d’entretien, tes seaux, ton aspirateur, que sais-je encore…»
A côté du cagibi, elle désigna une immense penderie avec des portes coulissantes en miroir.
- «Ici pour les manteaux, les chaussures, etc. Je te demande de ne jamais l’utiliser pour tes propres affaires car il y en a une qui t’est réservée dans ta chambre.»
Puis, désignant la porte en vis-à-vis:
- «Justement, ta chambre.»Nous entrâmes dans une pièce de dimension respectable. Elle était meublée d’un lit en acier laqué blanc tout neuf. Bizarrement, il était dépareillé avec la table de nuit et le bureau.
- «Tu vois, je ne me suis pas fichue de toi. Il y a même une prise TV. Tu pourras récupérer celle qu’on a actuellement. Mais fais attention, tu n’es pas payée pour ça!»Deux placards occupaient un pan de mur entier.
- «Celui de gauche est pour tes affaires personnelles. Pour celui de droite, je t’expliquerai en temps utile.»Le moins qu’on puisse dire est qu’elle énonçait ses consignes avec un aplomb certain, à la limite de la suffisance. Cependant, je trouvais que cette contenance lui allait bien. Elle ajouta en poussant une porte:
- «Et ici, ta salle de bain.»Je passais la tête pour découvrir un espace très fonctionnel: cabine de douche, lavabo, WC, tous flambant neufs.
- «Je te remercie, je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi beau.»
- «Tu n’as pas à me remercier. Tu payes, puisque c’est déduit de ton salaire.»La cuisine jouxtait ma chambre. Elle était vaste et moderne.
- «Ici ce sera ton univers. Je n’y entrerai jamais, sauf peut-être pour prendre un verre d’eau», plaisanta-t-elle.Bien que sachant Sandrine assez peu portée sur la bonne chère, je me risquai à préciser:
- «Tu sais, je n’ai jamais été très douée pour les petits plats.»
- «Bah, je serai tolérante. Du moins au début… Au fait, comme tu seras amenée à faire les courses, j’ouvrirai un compte dédié pour lequel tu connaîtras le code de la carte bancaire. Tu tiendras à jour un classeur avec les tickets de caisse et les factures. Encore une bonne occasion de voir si tu ferais une bonne assistante. Bien, passons à la chambre d’amis.»Celle-ci n’était pas encore meublée mais vu la surface qu’elle occupait, je me disais qu’on pourrait y héberger plusieurs personnes.
- «Je tiens à ce qu’elle soit toujours prête à recevoir mes invités: que le ménage soit fait tous les jours, que la salle de bain soit nickel en permanence et que les draps soient changés régulièrement. Je te préviens, je n’ai pas l’intention de prendre rendez-vous avec toi pour recevoir.»
- «Tout sera fait selon vos désirs», répondis-je avec les mains jointes afin de faire contrepoids à son autorité par une boutade.
- «J’y compte bien, petite impertinente. Sinon tu serais renvoyée», répondit-elle sur un ton cassant.
Me voyant piquer un fard, elle posa sa main sur mon épaule en signe de réconfort.
- «Allons, moi aussi j’ai le droit de te taquiner! Viens, allons plutôt voir le séjour et la terrasse.»C'était immense.
- «Je ne veux ni poussière, ni traces de doigt. Je t’avais prévenue, c’est un vrai job! Sur la terrasse, tu y entretiendras autant de plantes vertes et de fleurs qu’il faudra pour que ce soit agréable toute l’année.»
- «Mais c’est que, je n’ai jamais fait ça. Je ne sais même pas si j’ai la main verte.»
- «Tu te débrouilleras. Achète-toi un bouquin ou demande conseil à ta mère.»Nous gravîmes l’escalier qui menait à l’étage où un petit pallier attendait encore d’être meublé. Nous le traversâmes pour arriver dans la chambre de Sandrine au milieu de laquelle trônait un lit immense. Je redoutais le jour où j’y trouverai un homme enroulé dans les draps. «Pourvu qu’il n’ait pas envie de se faire la bonne», me dis-je. Sandrine prit la parole:
- «Voilà. Ce sera ici mon espace personnel. Cependant, tu seras amenée à venir régulièrement pour y mettre de l’ordre. Si tu sais que je suis présente, frappe à la porte. Fini le temps de la promiscuité et du paravent!»
- «Oui bien sûr, je comprends.»
- «Ici, la porte qui donne sur la salle de bain. Tu y passeras tous les jours. Je tiens à ce que ça reste propre.»
Puis, ouvrant une seconde porte:
- «Ici, le dressing. Je n’ai pas besoin de te faire de recommandation. Je sais que tu t’approprieras le sujet.A ces mots, je devins rouge comme une tomate. Je me sentais comme un jouet entre ses mains.
Un mois plus tard nous avions emménagé. Tout s’était passé le mieux possible bien que les premiers jours, le déballage des cartons m’ait procuré pas mal de stress. Sandrine ne m’aidait aucunement ; de me voir courir à gauche et à droite ne l’empêchait pas de se prélasser sur le canapé avec un magazine. Je trouvais qu’elle ne manquait pas de toupet car même si elle me payait, après tout, nous étions encore des copines. Heureusement, ses journées de travail étaient de plus en plus longues, ce qui me laissait le temps d’oublier mon ressentiment et surtout d’évoluer en toute quiétude dans son cadre de vie intime, me frottant comme une chatte à tout ce quelle pouvait avoir touché.
Un soir au cours du repas, Sandrine annonça:
- «Il faut que je te dise. Samedi prochain, je reçois quelques amis à dîner. Ça va faire pas mal de chamboulement dans notre petite routine.»
- «Pas de problème. Vendredi je brique l’appartement comme il se doit et puis samedi, j’en profite pour rendre visite à mes parents. Comme ça, tu auras le champ libre.»
- «C’est que vois-tu, je comptais sur toi pour le service.»
Puis, voyant mon air étonné:
- «N’aie crainte, tu n’auras pas à cuisiner. Je ferai venir un traiteur avec des containers pour garder les plats au chaud. Tu n’auras qu’à les apporter à table.»
- «Eh bien…c’est que, je ne m’attendais pas à ce genre de prestation», répondis-je avec un sourire contrit. «D’ailleurs, je ne suis pas sûre d’en être capable… je veux dire… je n’ai jamais fait ça autrement qu’à la bonne franquette.»
- «C’est tout à fait dans tes cordes et d’ailleurs, ça fait partie de tes attributions. Tu n’auras qu’à te concentrer.»Elle poursuivit après une pause:
- «Je pars en voyage d’affaire mercredi et je ne rentrerai que samedi vers 17h00. Comme cette situation risque de se reproduire de plus en plus souvent, je vais prendre l’habitude de t’envoyer des consignes par mail. Tu trouveras un ordinateur portable sur ton bureau. Il y a une fonction Internet et c’est couplé avec le téléphone que je t’ai offert. Tu peux l’utiliser pour ton usage personnel, sans abus évidemment.»Le mercredi soir, je reçus le premier mail:
« Voilà. Clôture des bans. Nous serons sept à table, moi y compris.»
Fallait-il en déduire que je ne faisais pas partie de l’effectif? Sinon elle aurait dit "nous y compris".
«Tu recevras bientôt un colis, normalement demain. C’est ta tenue pour samedi. Essaie-la dès que possible. Je me suis permis d’ouvrir ta penderie ;-) pour commander la bonne taille. Mais, on ne sait jamais…
Bon, Sandrine connaissait la petitesse de mon salaire. Je me doutais que ce n’était pas une soirée débraillée. Sans doute voulait-elle m’aider à faire bonne figure.
«J’ai eu le traiteur par téléphone. Il apporte la vaisselle et le champagne en fin de matinée. Les plats arrivent vers 19H30 et les invités à partir de 20H00. Nous n’aurons pas beaucoup de temps pour faire le point. Prends de l’avance au maximum. A samedi. Bye. »Après que j’eus accusé réception arriva un autre mail:
«Oups, j’oubliais. Pour ta coiffure, le mieux serait un chignon. Maquille-toi un peu pour avoir bonne mine, mais pas trop. Plutôt dans les pastels, tu vois. Si tu n’es pas sûre de toi, prends RV de ma part au salon juste à côté du rond-point. Bien sûr, tu peux payer avec la carte des courses. A+.»Décidément, que de précisions ! Sandrine voulait-elle faire de moi sa poupée de porcelaine ? Je mouillais rien qu’à cette idée.
Le lendemain en milieu de matinée arriva le colis que je déposai sur mon lit après avoir signé le bon de livraison. Le carton contenait plusieurs paquets. Celui qui était en surface comportait le logo d’une vieille marque de lingerie. Je déchirais le plastique et en extrayais… une culotte "ventre plat". «Oh la la… vacharde la copine» dis-je tout haut. Comme déjà évoqué je n’étais pas grosse, j’avais simplement quelques kilos à perdre. «Bon, admettons. Voyons la suite…» fis-je quelque peu refroidie.
Le sachet suivant contenait une paire de collants sombres, avec sur la boîte la classique photo d’une fille aux jambes interminables. «Bon, de la belle qualité. C’est déjà sûr que je n’aurai pas droit au pantalon. Il va falloir montrer ses gambettes.»
Le dernier article de lingerie était un soutien-gorge, mais pas n’importe lequel: du type "ampli forme". Je laissai échapper un «Mince alors» en le tenant à bout de bras. J’avais une poitrine certes un peu flasque, mais suffisamment lourde par rapport à ma taille. Etait-ce bien raisonnable d’en rajouter? Sandrine voulait-elle se moquer de moi ? Non, disons plutôt qu’elle voulait modeler ma silhouette à son goût. Cette déduction me ragaillardit et j’enfilai les trois pièces immédiatement. En tournant sur moi devant le miroir, je me disais que sous une robe fluide, cela pourrait avoir de l’effet.
Du carton je sortis ensuite un corsage d’un blanc éclatant. Il était d’une coupe dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle était démodée; des manches légèrement bouffantes, une boutonnière sous patte, et un col droit qui enserrait mon coup jusqu’à hauteur du menton. Mais surtout, il était ajusté si près du corps que chaque parcelle de mon buste et de mon ventre était en contact avec le tissu. Ainsi devinait-on les coutures du soutien-gorge à chaque respiration; j’avais même l’impression qu’il m’aurait été impossible d’inspirer profondément.
Le vêtement suivant était une jupe droite d’un noir profond. J’eus beaucoup de mal à l’enfiler, car elle arrivait juste au-dessus du genou et l’espace dédié au passage des cuisses était réduit à son minimum. Et pour cause: la traditionnelle fente destinée à faciliter la marche était pratiquement inexistante. Le résultat est que le bas de mon corps prenait la forme d’une amphore dont le goulot aurait été ma taille. L’ensemble rappelait un peu la mode "fin XIXème" où les corsets affinaient la taille et faisaient ressortir le bassin et la poitrine.
Sandrine avait même pensé aux chaussures; des escarpins noirs avec un minimum de talon. Je dus m’accroupir à demi et me contorsionner dans ma jupe pour les enfiler.
Je pensais en avoir fini avec l’essayage quand je découvris une strate supplémentaire au fond du carton, avec deux paquets. Le premier contenait une étoffe blanche qui s’avéra être un tablier de serveuse, avec petites fronces sur le devant et de larges bandes à nouer dans le dos. J’étais pour le moins étonnée. Je trouvais que Sandrine aurait dû m’en parler avant. A la rigueur, je trouvais normal d’avoir un boulot à faire ce soir-là, et même de devoir "bien présenter". Cependant, je trouvais ce tablier superflu, si ce n’était pour Sandrine d’afficher son train de vie en montrant qu’elle avait une domestique aux ordres.
Le contenu du dernier paquet finit de me mettre en colère; il s’agissait d’un serre-tête ourlé de tissu blanc dont la finition rappelait celle du tablier; autrement dit, une petite coiffe de bonne. Cette fois c’était sûr; au mieux il s’agissait d’une erreur et au pire, Sandrine se moquait de moi.
Je saisis le téléphone et composai rageusement son numéro. Elle décrocha après deux sonneries.
- «Oui, Sylvie?»
D’entendre sa voix refroidit mes ardeurs. Cependant, je me lançai.
- «Euh, bonjour. Voilà. C’est pour te dire que j’ai bien reçu le colis.»
- «Ah, tant mieux. As-tu essayé pour vérifier la taille comme convenu?»
- «Oui, oui. Ça me va. Sauf que, peut-être… une ou deux tailles de plus auraient été plus confortables.»
- «Sylvie, j’en ai marre de te voir habillée avec un sac. A notre âge, on met ses formes en valeur. C’est bon pour le moral, tu verras.»
Je trouvai là l’occasion de lancer un trait d’ironie. Hélas, un trémolo dans la voix vint gâcher mon effet.
- «Et le tablier et la coiffe de bonniche, c’est encore pour me mettre en valeur?»
- «C’est toi qui utilises un vocabulaire péjoratif. C’est un vêtement de travail. Une sorte d’uniforme si tu préfères. Je ne vois pas où est le problème.»
- «Mais enfin, Sandrine! Plus personne ne porte ce genre de chose, sauf peut-être au théâtre, ou bien à la rigueur dans les hôtels de luxe que tu fréquentes. Et encore…»
Elle me coupa la parole.
- «Ecoute-moi bien: je n’ai pas à me justifier. C’est à prendre ou à laisser. Tu es encore en période d’essai. Tu peux démissionner sans préavis. Si tu ne m’as pas rappelée d’ici une heure, je considère que tu me quittes et que je devrai trouver quelqu’un d’autre.Elle raccrocha, me laissant plantée au milieu de la pièce. Elle était parvenue à me déstabiliser en quelques mots. Je m’assis sur le lit pour faire le point, le minuscule téléphone au creux de la main. Qu’est ce qui me gênait vraiment dans cette histoire?
Pas seulement cet habit ridicule. Si la satisfaction de mon désir pour Sandrine en avait dépendu, j’aurais même pu faire le service toute nue. Ce qui me rendait tellement malléable, c’était cette incapacité à déclarer mon amour. Si j’avais été éconduite, j’aurais été malheureuse mais libre de claquer la porte. Tandis que là, je me trouvais contrainte de supporter une vexation pour garder un contact visuel avec Sandrine, dans l’espoir qu’un jour peut-être je vainque mon mutisme.
Je me résolus donc à reprendre la main en devenant une véritable perle dévouée à l’égard de ma maîtresse. J’allais essayer de me rendre indispensable au bonheur de Sandrine. J’escomptais que ma présence lui devienne tellement familière que je deviendrais sa confidente.
«Bien, voyons cela.» J’entrepris de me nouer le tablier dans le dos, non sans mal. «Il faudra que je m’entraîne pour en changer rapidement en toute circonstance. On ne sait jamais.» Par-devant, la pièce de tissu formait une grande langue blanche sur le fond noir de la jupe. Par derrière, le nœud qui tombait sur mes fesses rappelait certaines prises de vue de cinéma où une caméra tenue à hauteur de hanche suit une serveuse entre les tables. «Il y a sans doute un public pour ça» me dis-je en souriant. J’espérais qu’il n’y aurait pas trop de mecs pour se rincer l’œil samedi soir. «Tandis que les nanas, ce sera tant qu’elles veulent!»
Je m’attachai les cheveux, essayai le serre-tête et secouai la tête de gauche à droite. Pas de problème, ça tenait. Vu de profil cette coiffe blanche, associée à ma poitrine proéminente et au nœud ample sur ma croupe rappelait vaguement l’allure d’une perruche. Par devant, je pus vérifier par quelques déhanchements que cette belle jupe droite en fuseau faisait son effet. J’avais deux jour pour améliorer ma démarche. «Et la fois d’après, j’augmente ma hauteur de talon », me promis-je.
Je laissais s’écouler une cinquantaine de minute (il faut savoir se faire désirer) avant de composer le numéro de Sandrine. Je téléphonais debout devant le miroir, étudiant chaque détail de ma tenue.
- «Oui allô?»
- «C’est moi, Sylvie.»
- «En effet, j’attendais ton appel. Alors, quelle est ta décision?»
- «C’est toi qui as raison. Je me suis un peu emportée. Je reste, bien sûr.»
- «Je préfère ça. Ça m’aurait coûté de me séparer de toi.»
- «Merci. Euh, autre chose, si je peux me permettre…»
- «Je t’écoute.»
- «Eh bien, je me disais… les invités n’ont pas à connaître notre familiarité passée. Après tout, ça ne les regarde pas. Je me demandais si… enfin… si je pourrais te vouvoyer, samedi.»
- «C’est une initiative très professionnelle dont je saurai me souvenir. J’accepte bien volontiers.»
- «Bien. Dans ce cas, au revoir Madame.»
Après un blanc de deux secondes, elle susurra d’une voix chaude:
- «Au revoir, Sylvie.»La fin de la semaine fut pour moi très laborieuse. Je voulais me débarrasser pour le samedi des corvées les moins agréables telles que le nettoyage et les achats. Ainsi le jour J serait-il consacré à dresser la table, recevoir les fournisseurs et surtout soigner mon image. Comme suggéré par Sandrine, je me rendis en début d’après-midi dans un salon de beauté tout proche de notre résidence. Je commandai le grand jeu comme une jeune mariée. Comme prévu, je me fis faire un chignon ; je pressentais que d’avoir en permanence les cheveux tirés en arrière ajouterait encore à la contrainte de l’uniforme. Je me fis ensuite maquiller, dans les tons pastels certes, mais de manière très sophistiquée. Le rouge à lèvre, le tour des yeux et le fard à joue composaient un dégradé entre rose et parme sur un fond de teint laiteux. Comme point d’orgue, la maquilleuse me fit des yeux de biche avec crayon à paupière et mascara et la gérante m'offrit une séance de manucure, si bien que je ressortis avec des ongles qui brillaient de l’éclat du nacre.
Rentrée à l’appartement, je revêtis mon uniforme en prenant mon temps, attentive au moindre détail. Afin de rehausser l’éclat de mon visage, je m’autorisais un petit brillant en toc dans le lobe de chaque oreille. Ainsi apprêtée, je m’exerçais à une démarche vive et au déhanchement quelque peu exagéré. Un peu avant dix-sept heures, je me mis à guetter l’arrivée de Sandrine à la fenêtre.
J’avais longuement réfléchi à la meilleure façon de l’accueillir. Pour éviter de trahir mon émoi, j’avais décidé d’en dire le moins possible. Je me tiendrais tout simplement debout dans le vestibule, les mains croisées sur mon tablier et les yeux baissés.
J’entendis bientôt la clé tourner dans la serrure. Je me tenais coi. Sandrine apparut, visiblement éprouvée par son voyage mais toujours aussi élégante.
Quelques claquements de talon plus loin elle me fit face. N’osant la dévisager, je la devinais me regardant de pied en cap. Enfin elle m’adressa la parole, ce qui m’obligea à lever les yeux.
- «Bonjour Sylvie. Tu es très à ton avantage. Permets-moi de te féliciter.»
- «Merci Madame», répondis-je dans un demi-sourire.
- «Je vais aller me préparer pour la soirée. Pendant ce temps, défais ma valise à la buanderie. Ensuite, je te ferai mes dernières recommandations.»
- «Bien Madame.»Elle me tendit son sac et ses gants, avant de me tourner le dos à demi en esquissant un geste. Je compris que je devais la débarrasser de son imper.
Trois quarts d’heure plus tard, Sandrine fit son apparition dans le séjour.
Je crois bien avoir raté le début de sa phrase, tellement j’étais subjuguée.
- …quand la sonnette retentira, c’est toi qui ouvriras aux invités. Range leur manteau dans la penderie sans les faire attendre, puis précède-les jusqu’au séjour. Quand tu vois que je les ai pris en charge, tu peux vaquer à tes occupations.»
- «Bien Madame.»
- «Je te ferai signe quand l’apéritif pourra commencer. Passe dans l’assemblée alternativement avec les coupes de champagne et les amuse-gueule. Avec une fréquence raisonnable, cela va de soi.»Elle fit quelques pas et posa ses mains sur le dossier d’une chaise.
- «Je m’assoirai ici et aussi souvent que possible, tu te tiendras debout à trois pas derrière mon vis-à-vis. Je te ferai un petit signe pour indiquer que j’ai une consigne à te donner, débarrasser les couverts ou repasser un plat par exemple. Est-ce clair?»
- «Oui Madame.»
- «Pour le style, célérité et discrétion. Tu m’adresseras la parole à voix basse. Normalement, tu n’as pas besoin de parler aux invités. Tu n’as pas fait l’école hôtelière mais tout est fait pour te faciliter la tâche: des chaises espacées, pas de soupière et pas de plat en sauce dégoulinant. Mais, on ne sait jamais. En cas de catastrophe… suis-moi.»
Elle m’emmena jusque dans ma chambre et ouvrit avec une petite clé la moitié de penderie à laquelle je n’avais pas accès jusqu’alors.
- «Ici, un flacon de détachant pour le cas où le vêtement d’un convive serait souillé. Le cas échéant, tu trouveras aussi un tablier de rechange. Mais tout ceci devrait rester inutile n’est ce pas?»
- «Bien sûr, vous pouvez compter sur moi.»A l’heure prévue, la sonnette de la porte d’entrée retentit. Ma maîtresse ordonna:
- «Ce sont eux. Va ouvrir!»J’ouvris la porte et m’effaçais devant une vielle rombière en tailleur pied-de-poule qui devait avoir au moins trente ans de plus que Sandrine. Je devinais à sa façon d’anticiper mes gestes qu’elle avait l’habitude d’être entourée de domestiques. La deuxième convive était une jeune métisse aux formes très épanouies. Elle portait un bustier noir dissimulant à peine la moitié des seins et lui laissant le dos nu. Un pantalon fluide, noir également, semblait devoir dissimuler des jambes un peu courtaudes.
Environ dix minutes plus tard se présentèrent deux femmes brunes sans âge, coiffées à la "Jeanne d’Arc" et un peu chétives. Elles avaient toutes deux revêtu une petite robe noire chasuble très simple, mais agrémentée d’un rang de perle et de longs gants qui leur couvraient l’avant-bras. En les dévisageant (petite effrontée…), je pressentais que leur gémellité n’était qu’artificielle. Elles étaient au mieux de fausses jumelles, et plus probablement des copines très complices qui jouaient à se ressembler.
Les deux dernières invitées se firent attendre. La porte s’ouvrit sur un duo si mal assorti qu’il en aurait été comique si le regard de la première femme n’eût été aussi glacial. Elle flirtait avec le double-mètre en comptant les talons et arborait des épaules de déménageurs mises à nu par le bustier sans bretelle d’une robe satinée et lacée dans le dos. Associés à cette stature, son teint d’albâtre et ses cheveux blonds coiffés en queue de cheval en faisaient le prototype même de la walkyrie. Cette guerrière nordique était accompagnée d’une petite femme fluette, à la coiffure tout aussi blonde, mais aux cheveux en "baguette de tambour". Un petit nez en trompette renforçait l’air prétentieux que lui conférait une voix haut perchée. Elle dissimulait son corps androgyne sous un tailleur pantalon et sans ses talons aiguilles, elle me serait arrivée à l’épaule. Elle me dévisagea avec insistance et dit sur un ton moqueur:
- «Tiens, mais c’est Sylvie. Comme on se retrouve…»Je rougis un clin d’œil ; heureusement, l’épaisseur de mon maquillage dissimula ce signe de confusion. J’avais en effet connu cette fille en première année de fac. Nous nous étions disputées pour une histoire de travaux dirigés menés en commun et dès lors, nous nous étions fait la gueule le restant de l’année. Heureusement, mon devoir protocolaire me fournit une échappatoire. Je bredouillai un
- «Si vous voulez bien me suivre… » avant de leur tourner le dos pour me diriger vers l’assemblée.Du point de vue du service, la soirée se déroula sans anicroche. J’étais un peu gauche au début, mais je pris de l’assurance au fur et à mesure que les convives se détendaient sous l’effet du champagne. Sandrine me souriait de temps à autre, ce qui suffisait à m’encourager. J’appris en écoutant les conversations (petite curieuse…) que la rombière était doyenne de la fac de droit et riche héritière de surcroît. La walkyrie s’appelait Hélène et tenait une salle de sport avec Estelle, la petite peste avec qui j’avais été en froid (elle s’occupait soi-disant de la gestion). Josèpha, la métisse, était avocate dans le même cabinet que Sandrine. Quant aux fausses jumelles, je crus comprendre qu’elles étaient artistes ou commerçantes, sans plus de précision.
Les seuls moments de tension survinrent quand Estelle profita de mon rôle de servante pour m’infliger quelques tâches vexatoires. Durant l’apéritif, elle me demanda avec une arrogance calculée:
- «Sylvie, j’aurais besoin de mon sac à main. Tu sais, je te l’ai confié tout à l’heure…»Sandrine avait l’œil sur moi et comme j’étais résolue à lui plaire, je réprimai toute réaction d’orgueil et j’émis un bref
- «Tout de suite Mademoiselle».Après avoir extrait du sac un paquet de cigarette et un briquet, elle me demanda un cendrier que je lui apportai aussitôt. Comme elle se tenait debout, elle aurait pu le prendre à la main le temps de fumer sa cigarette; bien au contraire, elle me laissa plantée là avec le cendrier au creux de la main, jusqu’à ce qu’elle y écrase son mégot.
De même que lorsque je la servais au cours du repas, je la devinais guettant une occasion de me faire commettre une maladresse. Heureusement, Estelle était assise en face de Sandrine, dont la surveillance bienveillante la fit renoncer.
Après le repas, ces dames s’installèrent dans les profonds canapés pour papoter. C’est là que je dus servir le café, sauf pour Estelle qui demanda un thé. Vinrent ensuite les liqueurs qui levèrent les dernières inhibitions. Comme je me tenais debout, à disposition dans le champ de vision de ma maîtresse, j’eus tout le loisir d’étudier les détails. Les deux jumelles étaient assises épaule contre épaule, les doigts entrecroisés tandis qu’Estelle, qui me tournait le dos, triturait discrètement le laçage dans le dos du bustier d’Hélène. J’étais plutôt satisfaite des statistiques: sur sept convives, pas un seul mec, deux homosexuelles affichées et deux autres probables. Au moins Sandrine ne ferait-elle pas preuve d’ostracisme le jour ou je lui ferais ma déclaration d’amour.
Les invités prirent congé entre deux et trois heures du matin. La dernière fut Josèpha, après le départ de laquelle je pus enfin aller mettre un peu d’ordre à la cuisine. Alors que j’étais affairée sur le plan de travail, je sentis deux mains se poser sur mes hanches, juste au niveau du tablier. Je reconnus les ongles manucurés de Sandrine.
Je me raidis alors, incapable de lui faire face.
- «Oh je t’ai fait peur! Excuse-moi», dit-elle en riant. «Je tenais simplement à te remercier pour ta prestation. Cette soirée a été une réussite, en grande partie grâce à toi. Maintenant tu peux aller te coucher. Tu rangeras tout ça demain. En tout cas, moi, j’y vais.»Sur ces paroles, elle fit un pas en arrière en faisant glisser la pointe de ses grands ongles sur le tissu tendu de mon corsage, les pouces sous les seins et les auriculaires le long des côtes flottantes. Quand j’osais enfin tourner la tête, bouche bée, je n’eus que le temps d’apercevoir Sandrine quittant la cuisine dans un glissement de soie.
Ce soir-là, je me couchais toute nue pour me mieux masturber, la langue dardant dans l’obscurité à la rencontre de telle ou telle convive. Une fois apaisée, je méditais longuement sur meilleure façon d’interpréter cette brève caresse de la part de Sandrine. Il ne pouvait s’agir d’une familiarité due à l’alcool, car Sandrine avait été la plus sobre ; son geste et sa voix m’avaient semblé assurés. J’y vis plutôt l’encouragement à persister dans la soumission, et la promesse que l’amour charnel me serait donné en retour.
Malgré l’heure tardive de mon coucher, je m’éveillai le dimanche dès potron-minet. La journée s’annonçait ensoleillée. Je savais que Sandrine n’émergeait jamais avant dix heures du matin; cela me laissait tout le temps de lui préparer une surprise. Je pris une douche et me dirigeai vers la penderie "professionnelle" dont j’avais la clé depuis la veille. J’y trouvais plusieurs housses de plastique transparent. Chacune contenait un uniforme de domestique du genre de celui que j’avais porté la veille. On peut dire que Sandrine avait bien caché son jeu, mais j’étais décidée à lui montrer "jusqu’où on peut aller trop loin" .
De prime abord, mon choix se porta sur celui qui me semblait le plus "décontracté": une blouse rose à manches courtes, un grand tablier à bretelles et une paire d’espadrilles assorties. Mais finalement je changeai d’avis, trouvant cette tenue plus adaptée pour un jour ordinaire de la semaine. Je choisis plutôt une robe noire avec de larges liserés blancs qui m’arrivait à quinze centimètres au-dessus du genou, agrémentée comme il se doit du sacro-saint tablier bordé de dentelle. La petite coiffe consistait en un triangle de la même étoffe qui s’attachait dans les cheveux à la manière d’un bandana. Avec les collants sombres de la veille, le miroir me renvoyait l’image d’une pin-up.
Enhardie par cette apparence polissonne, j’enfilais les chaussures noires toutes neuves à talons hauts que je m’étais promis de porter à la première occasion. Pour finir, je me maquillais légèrement avant de me rendre à la cuisine d’un pas allègre. J’avais hâte de savoir comment Sandrine trouverait mon uniforme dominical.
J’entrepris de dresser la table du petit déjeuner sur la terrasse, avec nappe et faïence blanche. Ensuite, je composais un assortiment de victuailles comme je l’avais vu faire dans certains hôtels, avec un petit bouquet de fleur en guise de décoration. Quand je m’estimai fin prête, je passais l’aspirateur dans le séjour pour faire disparaître toute trace de la soirée et si possible pour provoquer le réveil de Sandrine. Cela fait, je préparais le café avant de gravir les marches qui menaient à sa chambre.
Arrivée devant la porte, je respirai un grand coup et frappai distinctement.
- «Oui, entre!»La chambre était plongée dans l’obscurité. J’avançai de quelques pas jusqu’à deviner la silhouette de Sandrine, puis récitai d’une voix que je voulais assurée:
- «Veuillez pardonner mon intrusion, mais la journée s’annonce magnifique. J’ai pensé que vous accepteriez de prendre votre petit déjeuner sur la terrasse.»A la façon dont elle tourna la tête qu’elle tenait jusqu’alors entre ses bras, je vis que Sandrine ne s’attendait plus à me voir jouer le même jeu que la veille. Elle répondit, un peu embarrassée:
- «Euh, oui, pourquoi pas? Ouvre les volets s’il te plaît.»Je m’exécutais sur-le-champ, laissant le flot de lumière envahir la pièce. J’adoptais aussitôt la posture que je tenais instinctivement comme la plus respectueuse; genoux joints, mains croisées sur le devant et yeux baissés.
Une minute s’écoula pendant laquelle Sandrine laissa ses yeux s’acclimater à la lumière. Du coin de l’œil, je la vis se redresser dans son lit, les cheveux en bataille. Elle entoura ses genoux de ses longs bras gracieux et me contempla longuement, mi-intriguée, mi-amusée. Finalement elle se leva, fit quelques pas jusqu’à me tourner le dos et marqua une pause. Elle posa les mains sur ses hanches et présenta le profil de son visage pour m’intimer un ordre sur un ton sec:
-« Ma robe de chambre!»Je m’en voulais de ne pas avoir pris cette initiative. Je lui présentai son kimono en satin, de sorte qu’elle n’ait qu’un minimum de gestes à faire. Elle me laissa même nouer sa ceinture et me fixa du regard, semblant attendre quelque chose. Je me tordis un instant les mains de perplexité avant de comprendre. J’allai chercher au bout de la pièce une paire de mule que je déposai à ses pieds. Je me promis d’être plus dégourdie la prochaine fois.
Sandrine descendit finalement avec moi à sa suite et s’attabla. Elle mangea très lentement en feuilletant un magazine. Bien que me voyant faire le piquet à quelques pas de la table, elle ne m’envoya pas vaquer à mes tâches ménagères. A vrai dire, cette situation me plaisait. Je me fichais pas mal d’avoir à rattraper le temps perdu par la suite. De côtoyer ma maîtresse était le seul loisir dont j’avais besoin.
Finalement, elle prit la parole d’un air distrait, en remuant son café.
- «Sylvie, je vois que tu prends ton travail très à cœur. Tu fais des efforts considérables du point de vue du service et de la présentation. Je suis très satisfaite.»
Elle enchaîna après une gorgée de café:
- «J’ai donc décidé de te confier des responsabilités supplémentaires. Je vais te donner accès à mon agenda par Internet. Ainsi pourras-tu prendre connaissance de mon emploi du temps heure par heure. J’attends de toi que tu me composes une tenue de circonstance pour chaque jour de la semaine. Naturellement, tu tiendras compte également de la météo. A toi de savoir si j’aurai besoin de mon parapluie ou de mes lunettes de soleil.»
Puis, léchant son doigt plein de confiture:
- «En somme si j’ai l’air d’une gourde, ce sera ta faute!»Le moins qu’on puisse dire était que j’étais prise au dépourvue.
- «Merci pour votre confiance, bredouillai-je. Je promets de faire de mon mieux.»
- «Très bien. Nous commençons dès demain matin. Le mieux est que tu prépare ma toilette pendant que je prends mon petit déjeuner. Mettons vers 7H00.»
- «Bien Madame. Ce sera fait.»
- «Et maintenant, tu seras assez aimable pour me faire couler un bain. Prépare également du solvant et du vernis à ongles.»
- «Tout de suite Madame.»D’être passé en une journée du statut d’employée de maison à celui de femme de chambre m’excitait au plus haut point. C’est avec entrain que je trottais jusqu’à la salle de bain.
Environ une heure plus tard Sandrine était en peignoir, assise dans sa bergère. Je m’étais agenouillée auprès d’elle pour lui faire les ongles. Cette position me rendait fébrile. J’aurais voulu bien faire, mais le trouble que je ressentais me faisait commettre des bévues; je "dépassais" comme une enfant de trois ans qui fait du coloriage, ce qui m’obligeait systématiquement à essuyer les bavures. Sandrine observait ces tâtonnements avec bienveillance.
- «Je suggère que dorénavant tu fasses tes propres ongles plus souvent. Cela te donnera plus d’assurance.»
- «Je vous demande pardon. Cela ne se reproduira plus» répondis-je, rouge comme une pivoine.
- «Ce n’est rien. Tu as sûrement besoin de détente. Il fait beau et c’est dimanche. Allons nous promener!»
Puis, voyant ma mine interrogative:
- «Bien entendu, comme tu es en congé tu peux t’habiller en civil. Mais pas question de te voir porter un truc informe ! Je vais essayer de te trouver quelque chose.»Elle se rendit dans son dressing et réalisa le tour de force d’y trouver des vêtements que je puisse porter: un tee-shirt blanc en stretch avec un col échancré et une jupe asymétrique avec taille élastique.
- «Voilà qui ira bien avec tes nouveaux escarpins. Rendez-vous en bas dans un quart d’heure.»Une fois franchi le seuil de l’appartement, Sandrine me sentit probablement quelque peu embarrassée.
- «Fini de jouer! A partir de maintenant, je préconise de réactiver le programme "Bonne Copine", c’est à dire sourire et tutoiement de rigueur.»Nous nous dirigeâmes vers le jardin public. C’était un parc immense sillonné par de larges allées et très fréquenté les dimanches, surtout par un temps ensoleillé comme ce jour-là. Nous marchions côte à côte. Comme souvent dans une telle situation, la ressemblance de la réalité avec des instants rêvés me rendait nerveuse. Mon regard ne se détachait pas du sol, à un mètre devant moi.
Soudain je me raidis. Sandrine venait d’enchevêtrer d’autorité les doigts de sa main droite avec ceux de ma main gauche. Que se passait-il? Quand nous avions quinze ans, il nous arrivait de nous donner le coude, mais sans pour autant adopter cette façon qu’ont les jeunes amoureux de se lier pour marcher. Un peu inquiète, je risquai un coup d’œil en coin. Ce fut pour voir le visage malicieux de Sandrine qui n’attendait que cette occasion.
- «N’ai-je pas dit "sourire de rigueur"?» me glissa-t-elle à l’oreille en m’attirant vers elle, jusqu’à ce que les flancs de nos seins viennent à se toucher.Je tentais bien d’esquisser un demi-sourire, mais les doutes qui pourrissaient ma vie avaient la vie dure. Sandrine me manipulait-elle pour mieux se moquer de moi avec ses amies autour d’un thé? Jouait-elle simplement à me récompenser pour ma servitude consentie? Ou bien avait-elle pris pitié de moi en devinant mon attirance pour elle ?
La moiteur de ma paume et la raideur de mon bras trahissaient probablement ces turbulences intérieures. Sandrine mit un terme à cette hésitation par quelques paroles délicieusement perfides, qu’elle prononça en lâchant ma main:
- «Excuse-moi, je me suis trompée. J’ai cru que… enfin n’en parlons plus. Quelle idiote je fais…Tu dois trouver ça… ridicule.»Cela dit, elle croisa les bras et fit mine de changer de trajectoire. Voyant mon rêve s’effondrer, mon sang ne fit qu’un tour. Je la rattrapai par la manche et portai sa main à mes lèvres, avant de la serrer de toutes mes forces entre mon menton et ma clavicule. Me devinant au bord des larmes, Sandrine consentit à me regarder à nouveau.
Elle dégagea sa main pour caresser ma joue et la posa sur mon épaule. Je serais bien incapable de dire combien de temps nous avons marché ainsi. J’étais sur mon petit nuage, emballée comme une adolescente en émoi.
Au fil de nos pérégrinations, nous arrivâmes en vue de l’estuaire. Sandrine annonça en désignant une guinguette:
- «Je commence à avoir faim, pas toi ? Ici, ils font d’excellents plateaux de fruits de mer. Rien de tel pour exercer tes papilles…»Voyant ma mine déconfite devant cette allusion scabreuse, elle éclata de rire et me tira par la main en direction du restaurant. Par timidité, je tentais de prendre un peu de distance en passant la porte vitrée mais d’autorité, Sandrine me prit par la taille et demanda une table isolée. Le garçon alla nous placer avec un sourire entendu.
Sandrine commanda une bouteille d’un de ces vins blancs secs de la région qu’elle aimait tant. Le repas se déroulait sans plus de conversation que notre promenade, mais ma compagne mangeait en émettant des bruits de succion plus que de nécessaire, accompagnant chacun d’eux par une œillade salace, sans doute pour taquiner mon caractère réservé. Enhardie par l’alcool, je soutenais son regard et répliquais en extrayant les moules de leur coquille par le seul usage de la langue et du bout des lèvres. Jamais je n’aurais imaginé tant de grivoiserie dans l’exercice de la sororité.
Nous convînmes de passer par la vieille ville pour le chemin du retour. Je commençais à avoir sérieusement mal aux pieds car mes chaussures neuves n’étaient pas conçues pour ce genre d’exercice. Sandrine s’en aperçut à cause de ma démarche.
- «Veux-tu que nous prenions un taxi?»
- «Euh… non, non. Ça va aller.»En fait, je redoutais le moment où nous nous retrouverions en tête-à-tête dans l’appartement. Comment faire pour ne pas la décevoir si elle m’attirait dans son lit? Il ne suffirait pas d’écarter les cuisses comme avec les mecs. Si j’étais nulle, je n’aurais peut-être pas une seconde chance.
- «En fait, je crois que tu aimes souffrir. Je saurai m’en souvenir», plaisanta-t-elle.Aucune répartie ne me vint à l’esprit, mais le cadet de mes soucis était de gagner une joute verbale, pourvu qu’elle continue à s’intéresser à moi… Malgré mon appréhension, le moment où nous avons franchi le seuil de l’appartement fut une délivrance.
- «Essaie de marcher encore jusqu’au canapé… J’arrive tout de suite.»Sandrine réapparut avec une petite trousse à pharmacie. Elle enleva délicatement mes escarpins pour tamponner mes ampoules à vif avec de l’éosine, puis souffla doucement sur les plaies pour en accélérer le séchage, avant d’y appliquer de petits sparadraps. Cela faisait des années que je ne la croyais plus capable de telles attentions.
- «Et voilà! Tu as toute la semaine pour cicatriser. En ce qui me concerne pour meubler la fin de la journée, je vais buller devant la télé.»
Puis, me voyant me redresser:
- «Non, non, tu restes près de moi. Tu es relevée de tes fonctions jusqu’à demain matin pour raison sanitaire.»
Et après une pause:
- «Mais que ça ne t’empêche pas de réfléchir à la tenue que tu dois me composer pour demain! Et puis, eu égard à ce qui s’est passé aujourd’hui entre nous, je suis sûre que tu sauras faire la part des choses. Je veux dire… ton job continue, mais ne te sens pas obligée d’appliquer tout le cérémonial.»
En conclusion de quoi elle posa son index sur mon menton, déposa un baiser furtif surmes lèvres et ajouta:
- «Enfin, sauf si ça te fait plaisir, évidemment.»La soirée se déroula de façon très chaste en regardant une comédie de mœurs un peu légère, épaule contre épaule. Je me promis de mettre à profit mes heures perdues dès le lendemain pour me documenter sur les pratiques saphiques. Mon rêve étant en train de se réaliser au-delà de toute espérance, il était hors de question que je déçoive Sandrine quand l’heure serait venue. Toujours pour la même raison, je me résolus à porter un uniforme chaque jour de la semaine et à être irréprochable dans mon service, tout en faisant de mon mieux pour rester coquette. Pour être tout à fait honnête, je commençais à prendre goût à cette situation. Sandrine apportait sa beauté, son intelligence et son argent; il était normal qu’en contrepartie, une fille aussi commune que moi se mette à son entière disposition. Je me plaisais à ressasser ce raisonnement. C’était comme de souffler sur la petite braise du désir.
La semaine suivante, le mercredi soir cependant, j’eus droit à une petite récréation. J’étais en train de faire la vaisselle, en blouse rose à manches courtes, grand tablier à bretelles et espadrilles assorties quand Sandrine vint poser ses mains sur mes hanches pour me glisser à l’oreille:
- «Ma pauvre chérie, tu dois penser que je te délaisse. Ce soir, je veux que tu te mettes à l’aise et que tu viennes me rejoindre sur le divan comme dimanche dernier. OK?»
- «Je termine ça et j’arrive tout de suite.»L’abandon du vouvoiement était la seule entorse que je m’étais permise par rapport au week-end précédent. Si nous devenions amantes, cette pratique deviendrait bientôt ridicule. Je préférais en garder l’usage pour des circonstances exceptionnelles, comme une sucrerie pour l’ego de ma maîtresse.
Elle m’attira vers elle et libéra mes cheveux pour les ébouriffer, comme si elle arrangeait une composition florale. Satisfaite du résultat, elle écarta le rideau châtain qui masquait mon visage pour m’embrasser. Alors que je penchais la tête sur le côté, la bouche entrouverte pour mieux la recevoir, elle dit soudain, fort peu à propos:
- «Oups, j’oubliais. Je recevrai Josèpha samedi vers seize heures, car nous avons quelques projets en commun. C’est une amie que j’apprécie vraiment, alors sors-nous le grand jeu. Si ça peut t’aider, je crois qu’elle adore le thé. Ensuite, je passerai la soirée en boîte. N’oublie pas de me préparer une tenue adéquate. Voyant mon air désappointé, elle prit un air désolé pour dire:
- «Oh, je regrette, mais je ne peux pas t’emmener. Quel choc cela te ferait de me voir vautrée dans un fauteuil, me faisant rouler des pelles par le plus beau mâle de la ville.»
Puis, faisant mine de s’essuyer la bouche:
- «Pouah! Dégoûtant! Beurk!»Elle se jeta sur moi comme pour me dévorer, comme une mère qui aurait voulu faire rire aux éclats son bébé de deux ans. Ce soir-là, nous avons chahuté une heure durant et j’ai ri davantage que pendant les dix années précédentes. A la fin de la soirée je n’étais toujours qu’une prétendante, mais plus amoureuse que jamais.
Le samedi, Sandrine alla en boite. Je l'aidais à se préparer, et je lui mis ses bas.
Je pris le premier bas sur le lit, d’abord empruntée car ne sachant pas comment m’y prendre, puis excitée à l’idée qu’elle allait me voir à ses pieds. Après m’être agenouillée, je procédais lentement et méthodiquement pour enfiler la parure de nylon sur sa longue jambe, effaçant chaque pli au fur et à mesure et corrigeant la symétrie de part de d’autre de la couture. Vint ensuite le tour du deuxième bas. Au moment de l’attacher à la guêpière, la turgescence de mon sexe était à son comble.
Je voyais la toison de ma maîtresse là, à trente centimètres de mes lèvres. Comme elle m’avait provoqué, après tout, j’avais bien le droit de tenter ma chance. Je commençais par poser mes lèvres à la lisière du bas avant de progresser vers sa toison pubienne, les yeux mi-clos. Une tapette sur la joue me ramena à la réalité.
- «Dis donc, ma fille. Je te trouve l’esprit particulièrement lubrique aujourd’hui! Tu peux disposer. Je n’ai plus besoin de toi.Je me relevai, outrée et au bord des larmes. Elle me rappela alors que j’allais franchir le seuil de la chambre.
- «Sylvie?»
Je me retournai, ne cachant rien de mon désarroi.
- «Tu as raison, je suis cruelle. Mets du champagne au frais pour cette nuit. Et attends mon retour.»Je meublais la soirée, après avoir passé un soutien-gorge ampli forme et un string en dentelle noire sous le petit uniforme qui avait fait son effet le dimanche matin. Avec ma coiffe blanche sur mes cheveux gominés d’un noir de jais, j’étais devenue le prototype même de la soubrette.
Vers deux heures du matin alors que j’étais sur le point de m’assoupir, mon téléphone se mît à sonner.
- «J’espère que tu as prévu le champagne, on arrive dans une demi-heure!»Comment ça "on arrive""? Elle ne serait pas seule ? J’étais fâchée de ce contretemps. Devrais-je encore faire la bonne jusqu’au petit matin avant de me retrouver en tête-à-tête avec elle
Au bout de trois quarts d’heure, la sonnette de l’appartement retentit. J’ouvris la porte. Sandrine était accompagnée par cette pétasse d’Estelle et sa grande jument d’Hélène. Toutes les trois semblaient avoir bu plus que de raison.
Ma soirée et ma nuit étaient gâchées ; nous ne ferions pas l’amour ce soir. Je devrais attendre le lendemain que Sandrine ait cuvé son vin, voire qu’elle ait soigné sa gueule de bois. Le cœur sur les lèvres je pris mon air pincé, bien décidée à bouder jusqu’au lendemain. Je me rendis à la cuisine, remplis le seau à champagne de glace et retournai dans le living.
Le spectacle qui s’offrit à mes yeux me laissa pantoise, les yeux écarquillés; Sandrine était vautrée sur le canapé, son top roulé jusque sous les aisselles et sa jupe relevée jusqu’au-dessus des bas. Hélène lui caressait les seins, une main passée sous la guêpière tandis qu’Estelle, à genou entre ses jambes écartées, tentait de se frayer un chemin par-là même où j’avais été éconduite quelques heures auparavant. En subissant ces assauts, Sandrine gloussait doucement.
Bouche bée, je hochais la tête de gauche à droite, incapable d’accepter la réalité. Pendant des mois, j’avais vécu dans l’ombre de la femme convoitée et je m’étais dévouée à son service jusqu’à la soumission. Or, le jour même où elle avait promis de me laisser l’aimer de ton mon saoul, c’était ces deux poufiasses qui tiraient les marrons du feu. C’était inacceptable. Je me sentais outragée.
Je ne sais plus ce que j'ai pu dire, ni à qui, tant j'étais choquée. Je tournai les talons, me dirigeai vers ma chambre où je m’enfermai en claquant la porte.
Pendant la nuit, j’avais prévu de me jeter à ses pieds jusqu’à ce qu’elle veuille bien m’entendre.
C'est Sylvie, au matin, qui me dit:
- «Je n’irai pas par quatre chemins. Je vais te laisser une occasion de te racheter…»
- «Merci Madame.»
- «Pas si vite. Je dois d’abord juger de la sincérité de ton repentir. Pour commencer, il va falloir présenter tes excuses à mes invitées, celles que tu as si gravement offensées l’autre soir.»
- «Quoi, à Estelle? Mais elle me hait.»
- «Et alors? Tu vas te présenter vendredi à 20h30 à leur domicile. Tu te conformeras à toutes, je dis bien TOUTES leurs exigences. Si elles décèlent la moindre réticence ou la moindre défiance dans ton comportement, elles me téléphoneront sur-le- champ et ce sera fini pour toujours. Suis-je claire?»
- «Oui Madame. Je ferai ce qu’il faut.»Le vendredi à l’heure dite, je me trouvais devant une maison de maître en plein cœur d’une banlieue résidentielle. Je poussai la grille en fer forgée et grimpai quelques marches d’escalier. Arrivée sur le perron, je respirai un grand coup et appuyai sur la sonnette. La porte s’ouvrit sur Estelle.
- «Bonsoir Estelle. Je viens de la part de…»
- «On est au courant. Entre!»Je m’avançai dans le hall d’entrée d’où partait un escalier en bois monumental. Après avoir refermé la porte derrière moi, Estelle ordonna:
- «Arrête-toi!»
Elle fit quelques pas et se planta devant moi. Sans prévenir, elle m’envoya une gifle.
- «Ça, c’est pour m’avoir appelé par mon prénom. Les bonniches n’appellent pas les gens par leur prénom. Pourtant l’autre soir, tu y arrivais bien! N’est ce pas?»
- «Oui…»
- «Oui qui?» (deuxième gifle)
- «Oui Mademoiselle.»Je m’attendais à être humiliée, mais pas avec cette brutalité. Il ne me restait plus qu’à faire le gros dos dans l’espoir que Sandrine me pardonne.
- «Et maintenant à genou, bonniche!»
- «Mais c’est grotesque. Je suis seulement venu m’excuser», fis-je avec un filet de voix.
Je reçus une nouvelle gifle.
- «Exactement! Et tu vas le faire dans la position de la parfaite repentante, sinon je me plaindrais auprès de ta maîtresse.»Je tombai à genoux sur le tapis épais, imaginant une lueur de satisfaction dans son regard.
- «Et maintenant déshabille-toi!»
- «Mais pourquoi? Ça n’a pas de sens… »J’avais fait un effort vestimentaire pour bien présenter; si j’avais su... Je me départis de ma nouvelle robe rouge et de mes collants, non sans mal à cause de ma position. Je me retrouvais en soutien-gorge et en culotte, à côté de mon petit tas d’habits.
- «Je veux te voir complètement à poil! Enlève-moi ça tout de suite qu’on juge de la marchandise», ordonna-t-elle sur un ton sarcastique.Je dégrafai mon soutien-gorge en reniflant, puis me mordis les lèvres. Il ne fallait pas que je pleure devant elle; elle serait trop contente. Mes dessous allèrent rejoindre le petit tas.
- «Dis donc, pas terrible les nichons!»
Quel toupet! Ils étaient sûrement bien mieux que les siens, car elle était plate comme une pelle à tarte. Elle poursuivit après un ricanement:
- «Quant à la tignasse teinte en noire avec la chatte couleur poil de balai, c’est du meilleur effet! Et maintenant, bonniche, tu vas demander pardon pour ton comportement inqualifiable de samedi soir.»
Mécaniquement, j’avais posé mes mains en haut des cuisses pour dissimuler mon entrejambe le moins mal possible.
- «Garde tes mains dans le dos, petite salope! A moins que tu ne préfères qu’on te passe les menottes?»
J’obéis en hochant vivement la tête de gauche à droite.
- «Alors, j’écoute…»
Je dus avaler ma salive toutes les trois syllabes pour bredouiller:
- «Mademoiselle… je vous prie… de bien vouloir pardonner… ma conduite… inqualifiable… de samedi dernier.»
- «Si tu veux être pardonnée lèche-moi les pieds. Et comme il faut!»Cette fois c’en était trop. J’éclatais en sanglots.
- «Mais c’est dégoûtant!»
-« Très bien. Si c’est ce que tu veux, je vais de ce pas annoncer à Sandrine que tu lui désobéis.»
- «Non! S’il vous plaît Mademoiselle», suppliai-je en me jetant en avant, retenant Estelle par la cheville.Dans un geste précipité, je remis mes mains dans le dos et posai ma bouche sur la pointe de son pied, qu'elle avait sorti de sa mule. Alors que j’allais y appliquer ma langue, nous fûmes interrompues par un martèlement de talons sur le parquet centenaire.
- Ça suffit comme ça!»Dans mon champ de vision apparurent deux pieds chaussés de socques d'infirmière. Je risquai un regard vers le haut. Des mollets développés, des cuisses musculeuses et une blouse blanche; ce devait être Hélène. Je me sentis attrapée à pleines mains par les cheveux.
- «Relève-toi!» ordonna-t-elle d’une voix métallique qu’on aurait eu du mal à attribuer à un sexe ou à l’autre.
Quand je fus debout, elle me tira la tête en arrière.
- «La prochaine fois, toujours des cheveux attachés. Compris?»
- «Oui Madame.»Curieusement, l’envie de pleurer m’était passée. Je sentis qu’elle me confectionnait à la hâte une sorte de queue de cheval. Dès qu'elle eut terminé elle ordonna:
- «Bâillon!»
Je compris que cet ordre ne m’était pas destiné, mais plutôt à Estelle qui m’enfonça un morceau d’étoffe dans la bouche en précisant avec sa voix de péronnelle:
- «C’est ma culotte! Je te préviens, mon hygiène laisse à désirer en ce moment.»
- «Ferme-la!»J’eus envie de sourire en entendant ma rivale se faire rabrouer ainsi. Hélène posa entre mes lèvres une sorte de boule de caoutchouc à la façon d’un mors et attacha la sangle qui la tenait sur ma nuque. Je sentais sa poitrine opulente derrière ma tête. Bien qu’elle soit forte comme un homme, j’avais moins peur entre ses mains qu’à la merci d’Estelle, qui n’était qu’un concentré de méchanceté.
La géante saisit les poignets que j’avais toujours dans le dos de sa main gauche et ma queue de cheval de sa main droite en disant:
- «Nous prenons l’escalier. Passe devant.»
J’obtempérais avec prudence, car ma position ne me permettait pas de regarder mes pieds.
- «Toi tu restes là!» lança-t-elle à l’attention d’Estelle.Je jubilais intérieurement. Le traitement que m’avait infligé cette petite peste n’était pour elle qu’une récréation. J’étais désormais entre les mains de la véritable patronne. La différence de classe était évidente.
Une fois arrivées sur le pallier, elle me fit prendre une porte sur la droite. Nous pénétrâmes dans une pièce éclairée d’une lumière jaune tamisée dispensée par plusieurs abat-jour.
- «A genoux et regarde-moi.»Elle se tenait les bras croisés et me contemplait avec un sourire rassurant sur son visage grêlé de tâches de rousseurs. Je m’étais fourvoyée en la stigmatisant à cause de sa carrure de déménageur. C’était seulement une belle fille qui devait avoir du mal à s’habiller à cause de sa stature exceptionnelle. Dans cette blouse d'allure médicale qui moulait son ventre plat et sa poitrine généreuse, je trouvais naturel qu’on puisse la désirer.
- «En guise de punition pour tes offenses de samedi soir, je vais te faire subir un petit traitement à ma façon.»Elle pris deux objets dans le tiroir d’une table basse.
- «Ouvre tes mains.»Elle posa dans chaque paume une balle en caoutchouc.
- «Voici la règle du jeu. Si tu laisses tomber une seule balle c’est en principe un accident, une simple maladresse. Si tu laisses tomber les deux balles, cela signifie que tu veux arrêter la séance. Dans ce cas je ne discute pas, je te détache et je te mets dans un taxi. Tu n’entendras plus jamais parler de moi, ni de Sandrine naturellement. Par contre, si tu gardes les deux balles jusqu’à la fin, tu seras excusée pour l’autre jour. Et si je pardonne, Estelle n’a plus son mot à dire. C’est clair?»Aussi curieux que cela puisse paraître, Hélène ne me faisait pas peur. A ses pieds, je me sentais protégée et non pas menacée. Je hochais la tête en signe d’assentiment.
- «Très bien, alors tends les poignets vers l’avant.»La géante alla chercher dans un meuble bas un rouleau de corde blanche et une énorme paire de ciseaux. Elle attacha mes poignets ensemble et garda une longueur suffisante pour une longe d’environ un mètre cinquante.
- «Debout et suis-moi.»Elle me conduisit à un pilier au centre de la pièce, contre lequel elle me fit adosser. Sans prévenir, elle passa la corde dans un anneau scellé à environ deux mètres vingt du sol, et tira brutalement dessus. Je me retrouvais alors les poignets attachés au- dessus de la tête, à sa merci.
Hélène reprit le rouleau de corde et après un rapide coup d’œil sur ma poitrine, en coupa une belle longueur. Elle fit le tour de mon torse juste en dessous des seins, puis noua fortement la corde dans mon dos. A partir de ce point, elle refit un tour, mais cette fois juste au-dessus des seins. En partant toujours du même point, elle passa la corde à gauche de mon cou, l’enroula autour des deux cordes horizontales et la repassa à droite de mon cou. Elle obtint ainsi un soutien-gorge de cordes qui me comprimait les seins, par ailleurs étirés par ma position "les bras en l’air".Elle coupa une autre longueur de corde qu’elle enroula deux fois autour de ma cuisse droite, juste en dessous des fesses. Elle fit ensuite le tour du pilier et enroula la corde autour de ma cuisse gauche. Par une traction brutale exercée depuis derrière le pilier, elle m’obligea à écarter les cuisses jusqu’à ce que je sois pendue par les poignets. Sur ce, elle se dirigea vers un bar en acajou pour se servir un whisky avec des glaçons.
Puis, le verre dans la main à hauteur d’épaule et l’autre bras en travers de l’estomac, elle se tint à quelques pas, regardant mon corps brimé comme un sculpteur en quête d’inspiration.Pour ma part, j’étais réduite à choisir entre deux maux; soit rester suspendue par les poignets au risque de laisser tomber les balles à cause de la fatigue, soit prendre appui sur la pointe de mes pieds, en extension de part et d’autre du pilier. Au bout de quelques minutes, je compris qu’il faudrait alterner les deux solutions si je voulais tenir bon.
Hélène sortit ensuite un objet du tiroir d’une commode et s’approcha de moi avec une démarche lente. Visiblement, elle aimait prendre son temps. Je vis qu’elle avait en main un tube de produit. Elle en répandit le contenu sur ses doigts, pour étaler la substance entre mes jambes, tout d’abord entre mes fesses, autour de l’anus, sur le périnée, puis dans tous les replis de mon sexe. Je sentais qu’il s’agissait d’un gel lubrifiant. Répondant à l’inquiétude qui montait en moi, elle planta ses beauxyeux azur dans les miens et dit pour me rassurer:
- «N’aie pas peur, c’est seulement pour éviter les échauffements.Cette alternance de cruauté et d’empathie n’était pas sans me rappeler Sandrine, quoique cette dernière exerçât plutôt ses talents sur le plan psychologique. Dans les deux cas, ces filles étaient en train de me révéler à moi-même. A partir de cet instant j’avais enfin compris: j’aimais qu’on prenne mon destin en main, qu’on m’amène à une obéissance animale ou qu’on me rabaisse au rang de simple commodité. J’étais de l’argile dont on pétrit les soumises.
Hélène coupa un morceau de corde qu’elle serra fortement autour de ma taille comme une ceinture. Puis, sur le reste du rouleau, elle fit deux nœuds espacés par quelques centimètres. Je compris où elle voulait en venir quand elle noua une extrémité au niveau de mon nombril, avant d’incruster la corde entre les lèvres de mon sexe et entre mes fesses. Le premier nœud était dédié au clitoris et le deuxième à l’anus; c’est ce que je réalisai quand elle tira brutalement sur la corde dans mon dos en la passant dans la "ceinture", la pression subite de la corde me faisant agréablement sursauter. Ce n’était pas terminé, car la corde de la raie des fesses fut aussitôt reliée à mes deux chevilles. Je saisis rapidement l’ingéniosité du système ; à chacune de mes tentatives pour prendre appui sur mes pieds, les nœuds tarauderaient mon intimité.
Bien que complètement ligotée, je pourrais ainsi exciter deux zones érogènes rien qu’en poussant sur mes jambes.
Hélène contrôla la tension des cordes, ce qui déclencha en moi un petit hoquet de surprise. Elle nota avec satisfaction cette manifestation du plaisir naissant et reprit son verre sur le guéridon. Elle s’assit dans un fauteuil, les jambes croisées, contemplant sa victime avec des yeux gourmands.
Au bout de quelques minutes, Hélène se dirigea vers la même commode que précédemment. Cette fois, elle en sortit une palette de cuir, étroite et longue et s’approcha de moi, toujours aussi lentement et avec un déhanchement exagéré. Je sentis monter la peur en moi car je me doutais que cet instrument devait faire atrocement mal, d’autant que les parties les plus tendres de mon corps étaient exposées à sa morsure.
N’étais-je pas tombée chez des dingues? Fallait-il immédiatement lâcher les deux balles de caoutchouc ou bien résister le plus longtemps possible? Et dans ce dernier cas, ne serait-ce pas moi la cinglée? (ce n’était pourtant pas le moment de faire des jeux de mots).
Hélène vint coller sa lourde poitrine contre mes épaules et me fit relever le menton avec l’extrémité de sa cravache. Ses yeux bleus étaient maintenant striés de mauve et la lisière de sa chevelure blonde comme les blés formait comme un diadème sur son front légèrement bronzé.
- «Maintenant, écoute-moi bien. La punition requise pour ta petite colère est de cinq coups par invitée offensée, et le double pour ta maîtresse. Ce qui nous fait un total de vingt. Pas mal, non?»Elle marqua un temps mort et sourit de plus en plus largement au fur et à mesure que les symptômes de la peur se lisaient sur moi. Elle devait voir le sang se retirer de mon visage, mes phalanges se crisper sur les balles et sentir mon cœur s’emballer dans ma poitrine.
- «Dans sa grande indulgence, ta maîtresse a commué ta peine en orgasme sous la contrainte. Mais attention : si rien ne s’est produit dans cinq minutes, je dois appliquer la sentence initialement prévue. Compris?»Je hochais la tête en signe d’acquiescement. Hélène pinça légèrement la pointe de mes seins entre le pouce et l’index.
- «Alors branle-toi, et comme il faut!»
Elle accompagna cet ordre en tirant mes seins vers le haut. Pour soulager la tension sur cette chair fragile, je dus pousser sur mes jambes et accentuer ainsi la pression de la corde sur mon intimité. Quand ma tortionnaire jugea que j’étais au maximum de poussée, elle tira brutalement mes tétons vers le bas, puis à nouveau vers le haut, et ainsi de suite pour imposer le rythme qui me conduirait au plaisir.Au bout de deux minutes de cette gymnastique, mes seins n’étaient plus qu’une douleur, mais je n’aurais voulu pour rien au monde que ce mauvais traitement s’arrête. J’expiais de sentir cette corde me labourer la vulve et l’anus, la tête penchée sur le côté et les paupières mi-closes. La transpiration perlait sur chaque parcelle de mon corps.
Progressivement, mes mouvements se firent plus saccadés, mais je continuais malgré la tétanie qui menaçait les muscles de mes cuisses. Hélène avait cessé depuis longtemps de m’entraîner quand un violent orgasme me secoua. La vague de plaisir me fit crier dans mon bâillon et malencontreusement, je laissai échapper les deux balles de caoutchouc sous la force du spasme.
Je repris mes esprits en un clin d’œil. Devant mes yeux écarquillés, Hélène avait porté ses doigts devant sa bouche, comme si elle avait commis une gaffe.
- «Oh je vois. Je suis allée trop loin pour une première fois. La douleur était insoutenable, c’est cela?
J’essayai de démentir en secouant la tête de gauche à droite. Je tentais désespérément d’émettre un «Non, non» mais ma bouche bâillonnée ne laissait échapper que des sons gutturaux.
- «Ah bon. C’était un accident alors?»
Et moi de secouer la tête de haut en bas.
- «Mais dis donc, c’est ennuyeux ça. Comment savoir si tu as eu ton orgasme avant, ou bien après avoir lâché les balles?»
J’essayais de baragouiner «Avant, avant!» dans mon bâillon. Hélène approcha sonoreille comme pour mieux entendre.
- «Hmm, hmm, je ne sais pas pourquoi mais j’ai envie de te laisser le bénéfice du doute. Par conséquent, je te pardonne et Sandrine va consentir à te revoir. Alors heureuse?»Je souriais pour autant que le permettait ma bouche entravée. Des larmes de joies coulaient au coin de mes yeux. Hélène me détacha rapidement. Quand elle délia mes mains, mes jambes prises de tétanie refusèrent de me porter. Hélène devait s’y attendre car elle me soutint avant que je m’effondre sur le plancher. Elle me souleva comme un fétu de paille et m’emporta comme une enfant à travers un dédale de couloirs étroits. Je sentais sur sa peau l’odeur de la transpiration. Je me serais endormie si elle ne m’avait déposée brutalement sur le lit d’une petite chambre.
- «Penses-tu avoir retrouvé l’usage de tes jambes, à présent?»
- «Oui Madame.»
- «Dans ce cas, mets-toi à genou. J’ai quelques instructions à te donner.»Hélène me laissa le temps de m’exécuter péniblement, en prenant appui sur mes mains.
- «Comme je l’ai déjà dit, tu va revoir Sandrine. Cela ne signifie en aucun cas qu’elle a pardonné ton comportement inacceptable de l’autre jour. Cela signifie seulement qu’elle consent à te mettre à l’épreuve. Elle va donc te prendre à nouveau à son service, mais il va falloir entièrement regagner sa confiance. Dans la pratique, tu seras une simple femme de ménage. Tu n’auras le droit que de faire du nettoyage et bien entendu, aucun visiteur ne devra s’apercevoir de ta présence, afin d’éviter toute récidive.»Hélène parlait sur un ton pédagogue et ponctuait ses phrases de légers mouvements de tête. Elle poursuivit après une courte pause:
- «Evidemment, fini les vêtements de travail seyants et confortables. Tu trouveras dans le sac poubelle que tu vois là une tenue appropriée à l’usage permanent des brosses, des chiffons et des serpillières. Note bien que tu n’es plus autorisée à porter des sous-vêtements ni à montrer la moindre mèche de cheveux. Suis-je bien claire?»
- «Oui Madame.»
- «Tu es attendue chez Sandrine demain à 16H30. Tu trouveras également dans ce sac poubelle un ticket de bus pour rejoindre l’appartement. C’est très pratique car il y a un arrêt dans la rue et c’est direct. Compte environ 35 minutes de trajet. Les vêtements que tu avais en arrivant te seront rendus en temps utile. J’en termine avec ton hébergement pour cette nuit et demain. Tu trouveras derrière la porte que tu vois là une salle de bain et un peignoir. Estelle t’apportera des plateaux- repas pour te sustenter. Quoi qu’il arrive, ignore-la car de toute façon elle n’est pas supposée t’adresser la parole. Nous te conduirons au portail demain à 15H45 au plus tard. Tu devras être ponctuelle car comme tu t’en doutes, tu n’as plus droit à l’erreur. As-tu des questions?»Je ne sais pas quelle mouche m’a piquée quand j’ai demandé:
- «Madame, puis-je vous demander une faveur?»
- «Dis toujours.»
- «J’aimerais terminer avec vous ce que j’ai commencé avec Estelle, tout à l’heure.»
Le beau visage de la géante se fendit d’un sourire chaleureux.
- «Permission accordée.»Lentement, je posai les mains de part et d’autres de ses pieds et commençai à les lécher avec application. Pendant ce laps de temps, je ressentis un trouble immense, comme une sensation de perdition qui faisait couler la cyprine entre mes cuisses. Elle m’interrompit sur un ton péremptoire.
-« Ça ira comme ça! Comme tu es une esclave délicieuse, j’ai décidé de te prodiguer quelques conseils pour rentrer dans les bonnes grâces de ta maîtresse. Va prendre ta douche. Je reviens dans vingt minutes, ce qui te laisse largement le temps de te soulager...»Hélène fit un petit clin d’œil en quittant la chambre.
Dans la salle de bain, cinq secondes me suffirent pour arriver à l’orgasme, une main entre les jambes et l’autre appuyée sur la faïence murale. Je passais un long moment sous la douche qui me fit le plus grand bien. L’eau battante me débarrassait des souillures corporelles. Ne subsistait que le sentiment de plénitude ressenti par celle qui a trouvé sa voie.
Je sortis de la salle de bain les yeux encore embués par cette longue période en milieu humide. Hélène était déjà là, elle aussi en peignoir. Ses longs cheveux encore mouillés pendaient dans son dos. Elle était assise sur le lit avec à côté d’elle une boîte en fer blanc du type "boîte à gâteaux". Elle avait étendu une serviette sur le couvre-lit.
- «Enlève ton peignoir et allonge-toi sur le lit, avec les fesses sur la serviette et les pieds au sol.»
Voyant mon regard interrogatif, elle précisa:
- « Ne crains rien, les tortures sont terminées pour aujourd’hui. A partir de cet instant, ce n’est que du bonus.»Moyennement rassurée, je m’exécutais.
- «Je t’explique ce que je voudrais faire. Sandrine a un faible pour les minous exempts de toute pilosité. Je crois savoir qu’elle parle volontiers de nectarine ou de coquillage pour désigner ce genre de friandise. Je pense que si tu arbores ce genre d’attribut, ta période de purgatoire s’en trouvera écourtée. Mais comme tu ne m’appartiens pas, je ne peux pas t’obliger. En un mot comme en cent, je te propose de te raser la chatte séance tenante. Alors, qu’en penses-tu?»
Après un instant d’hésitation:
- «Eh bien… oui… au point où j’en suis… je suppose qu’il faudra que j’y passe tôt au tard.»
- «Dans ce cas, allons-y.»Hélène ramena mes chevilles sur le lit, de part et d’autre de mon bassin et me demanda de les maintenir ainsi avec les mains. Elle alla remplir une cuvette à la salle de bain et s’agenouilla devant mon entrejambe. Elle sortit son matériel: crème à raser, blaireau et surtout un rasoir de type "coupe-chou". J’eus un petit sursaut d’appréhension à l’idée des mutilations qu’un tel engin pouvait produire.
- «N’aie pas peur, je ferai très attention. Mais surtout, ne bouge pas, respire bien, et essaye de te détendre.»La géante se mit au travail. Au bout de quelques secondes, je sentis qu’elle avait le geste sûr. Le rasoir devait être parfaitement aiguisé car il glissait sans brûlure. Je sentais les doigts d’Hélène protéger les parties les plus délicates au moment opportun afin d’éviter toute blessure. Elle m’adressa la parole, tout en gardant les yeux rivés sur son ouvrage.
- «Demain quand tu seras chez Sandrine, ne prends aucune initiative et adopte un profil bas, quoi qu’elle te demande. Je pense qu’elle n’a pas vraiment de rancœur vis-à-vis de toi. Si tu te montres docile et diligente, l’épreuve ne devrait pas être trop longue. Mon petit doigt me dit que le plus dur sera fait quand tu auras franchi le seuil de l’appartement.»
Elle interrompit son discours pour se concentrer sur les abords des grandes lèvres et précisa:
- «Mais attention, je ne suis pas censée te dire tout ça. Si j’apprends que tu as révélé que je t’ai fait des confidences, je m’arrangerai pour qu’elle te laisse tomber définitivement ou bien pour qu’elle te fasse punir par Estelle. C’est bien compris?»
- «Oui Madame. En fait, je dirai qu’après mon supplice, vous m’avez abandonnée, pantelante et percluse de douleur. D’ailleurs, vous m’aviez imposé ce rasage au préalable pour m’humilier.»
Son visage se fendit d’un sourire.
- «Je vois que tu as compris le fond de ma pensée mais n’exagère pas quand même. Il faut que ça ait l’air réaliste, n’est-ce pas?Hélène se concentra à nouveau sur sa tâche. En me tordant le coup, je pouvais voir cette force de la nature qui mettait en œuvre toute la méticulosité dont elle était capable pour satisfaire la lubie de ma belle lesbienne. Je laissais mon esprit dériver et une question naïve me vint à l’esprit:
- «Madame, si jamais Sandrine ne voulait plus de moi, accepteriez-vous de me prendre à votre service?»Je compris aussitôt que j’avais gaffé quand je ne sentis plus le rasoir parcourir mon intimité. Il y eut un blanc de quelques secondes qui me parut interminable, au terme duquel Hélène édicta d’une voie blanche:
- «Normalement, ce que je viens d’entendre est passible d’une correction sévère, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, tu prends la parole sans y avoir été invitée, et de surcroît pour évoquer ton sort personnel. Tu comprends que le fait même d’évoquer des hypothèses quant à ton propre avenir est la preuve d’un manque de soumission. De plus, ta question pourrait être interprétée comme une tentative de me séduire, et par-là même de m’opposer à ta maîtresse légitime qui est Sandrine. Je regrette, mais je vais être obligée de te ramener à plus d’humilité.»Je vis à son regard glacé comme la banquise qu’Hélène ne plaisantait pas. Elle apporta une dernière touche de finition au rasage et souffla sur mon sexe comme pour en faire disparaître les dernières traces d’humidité. Elle se leva et déclara:
- «Etant donné que tu n’es encore qu’une novice, et parce que je veux bien croire qu’il s’agissait d’une question de candide, j'oublierai tout ça. Demain, habille-toi pour 10h30. Pas de douche aujourd’hui, interdiction de se caresser. Je viendrai en personne.»Elle m'envoya me coucher dans une chambre que bien sûr elle ferma a clé.
Le lendemain matin, je fus réveillée par la lumière du jour qui envahissait la chambre. Sur la table m’attendait le plateau du petit déjeuner.
Une fois rassasiée, j’ouvris le sac poubelle qu’Hélène m’avait désigné la veille. Il contenait une sorte de blouse en coton bleue qui devait dater au moins des années 50, une espèce de torchon de la même couleur (je devinais qu’il devait servir à me couvrir les cheveux), et une paire de tong usées jusqu’à la corde. Tout était vieux mais relativement propre. Il y avait aussi le fameux ticket de bus que je devais utiliser l’après-midi.
Je passai la blouse pour me rendre compte qu’elle me couvrait à peine. Non seulement les lavages successifs au cours des décennies avaient rendu le tissu très fin, mais les manches étaient courtes, le bouton le plus haut se trouvait entre mes deux seins, et le plus bas juste au niveau du pubis. Les pans du sarrau s'arrêtaient à vingt centimètres en dessous des fesses et je devais rentrer le ventre pour en nouer la ceinture en tissu.
Je me rendis devant le miroir de la salle de bain pour me couvrir la tête. Pendant que je me composais une coiffe à la façon des musulmanes, mes seins ballottaient librement sous le tissu à chaque mouvement. Je vérifiai bien qu’aucun cheveu ne soit visible et contemplai l’ensemble; je m’étais en quelques minutes transformée en petite Cendrillon du ving-et-unième siècle. Quand je m’assoirais (mais en aurais-je même le droit ?), il faudrait que je prenne soin de croiser les jambes ou de garder les mains devant l’entrejambe si je ne voulais pas que tout le monde voie mon sexe épilé.
Hélène pénétra dans la chambre à l’heure prévue. Sans rien dire, elle tourna autour de moi, souleva brièvement la blouse sur mes fesses comme pour vérifier que je ne portais pas de culotte (mais où en aurais-je trouvé?), puis se tint devant moi, les bras croisés. Je compris aussitôt qu’elle avait quelque chose à me dire et que par conséquent, je devais m’agenouiller. Devant cette initiative, elle marqua sa satisfaction par une petite moue sur les lèvres et prit la parole:
- «C’est aujourd’hui le grand jour. As-tu bien dormi?»
- «Oui Madame.»
- «Que penses-tu de ton nouvel uniforme?»
- «Je pense qu’il est tout indiqué pour remplir mes nouvelles fonctions. Je devrai d’ailleurs remercier ma maîtresse pour ne pas me faire travailler toute nue.»Le visage d’Hélène se fendit d’un large sourire en entendant cette réplique. Elle marqua son approbation par un mouvement du menton.
- «En effet, mais… elle plissa lentement les yeux pour se donner un air suspicieux… dis-moi… je pourrais déceler dans ce que tu viens de dire, disons… un brin d’ironie. Ce n’était pas le cas, n’est ce pas?»
Je rougis légèrement et répondis en balbutiant.
- «Non Madame… je vous assure… je ne me permettrais pas… enfin… sans doute mérité-je une punition pour avoir laissé planer l’ambiguïté…»
- «Ça ira pour cette fois. Je veux seulement que tu comprennes que toute forme d’ironie t’est interdite, car il n’y a pas pire signe d’insoumission. Je crois que tu gagnerais beaucoup à tourner dix fois la langue dans ta bouche avant de parler, ce qui ferait du reste un excellent entraînement en vue de ce qu’on va faire de toi. Pas vrai?»
Me voyant hésitante elle enchaîna:
- «Bon, trêve de plaisanterie. Pour ne pas que tu t’ennuies, nous allons te faire faire un peu de ménage dès ce matin. Suis-moi!»Nous fîmes une halte devant un placard où elle me fit prendre un aspirateur et une caisse contenant des chiffons et divers produits d’entretien. Elle me conduisit ensuite jusqu’à la salle où j’avais été si agréablement "torturée" la veille.
- «Voilà. Ta mission consiste à tout remettre en ordre et à faire briller cette salle du sol au plafond. Interdiction d’ouvrir les meubles. Je viendrais inspecter à midi.»Sur ces paroles, elle laissa la laisse pendre à mon cou et quitta la pièce.
Je m’acquittais de cette corvée avec une relative facilité car d’une part la pièce était relativement propre et d’autre part, de nombreux détails titillaient ma libido en me rappelant le délicieux "supplice" de la veille ; le verre à whisky d’Hélène, les chutes de corde et le tube de lubrifiant qu’elle avait jetés au sol. Et puis, il faut bien reconnaître que l’expérience que j’avais acquise chez Sandrine me rendait diablement efficace; à tel point qu’à 11h45, j’estimais en avoir fini. Je profitais de mon avance pour mettre au point une petite mise en scène ; je m’agenouillais au milieu de la pièce avec à ma droite l’aspirateur, à ma gauche la caisse avec les produits d’entretien et devant moi le sac poubelle où j’avais jeté les détritus, le verre à whisky qu’il fallait laver et la petite culotte d’Estelle qui avait servi à me bâillonner.
Pour finir, je croisai les mains dans le dos et dirigeai les yeux vers le sol, attendant impatiemment le retour d’Hélène.
La géante réapparut à l’heure dite. Elle fit quelques pas en jetant négligemment des coups d’œil à droite et à gauche. Apparemment satisfaite elle ordonna:
- «Prends ton matériel, nous allons le ranger.»
Puis, voyant les objets disposés devant moi elle précisa:
- «Le verre dans ton décolleté, la culotte dans la bouche, et le sac poubelle entre les dents.»Elle me devança ainsi jusqu’au placard. Heureusement, le sac n’était pas lourd mais le simple fait d’avoir ajouté ce verre entre mes seins avait tendu à rompre le tissu de ma blouse. Une fois débarrassée de l’aspirateur et de la caisse, elle ne me permit pas pour autant d’utiliser mes mains. Il fallut que je la suive jusque dans le jardin pour jeter le sac dans un container. Je remarquais au passage qu’il faisait un temps de chien; voilà qui promettait pour mon trajet de l’après-midi.
Hélène m’emmena ensuite dans une grande cuisine où elle s'assit. Elle m’indiqua une chaise, justeen face d’elle. Alors que je m’asseyais comme ma mère me l’avait enseigné, en ramenant mes jupes sous les fesses, Hélène me corrigea:
- «Non pas comme ça! Les fesses directement sur la chaise.»Hélène regarda mon entrejambe, les coudes sur la table et le menton sur ses mains jointes; son regard croisa le mien. Une sorte de fluide passa entre nous, comme de la télépathie. Je compris que je devais ouvrir les cuisses, ce que je fis en émettant un petit raclement de gorge.
- «Une véritable petite perle», susurra la géante blonde en m’adressant son plus beau sourire.Hélène se mit à me poser toute une série de questions sur mon passé, notamment sur mes parents et mon enfance avec Sandrine. Quand elle aborda le sujet d’Estelle et la raison pour laquelle nous nous détestions, elle dut sentir quelque réticence car elle précisa:
- «Une autre chose importante que tu ne dois pas oublier: une esclave n’a pas droit au secret. C’est encore un signe d’insoumission que de travestir ou dissimuler la réalité. Compris?»
- «Oui Madame.»Je dus donc me livrer entièrement:
- «Vous savez… je n’ai jamais fait l’amour avec une femme… toutes ces années d’attente, et puis vous arrivez, vous et Sandrine… vous m’envoûtez, et puis vous me laissez languir… c’est trop dur pour moi… je suis faible... aidez-moi à devenir forte… si vous voulez que je résiste… s’il vous plaît…»Hélène s’accroupit. Elle me fit relever le visage à hauteur du sien. Elle avait sorti un mouchoir et commença à essuyer mes larmes, comme à une enfant.
- «Hier, ne t’ai-je pas laissé entendre que tu touchais au but, que ce ne serait plus très long?»
- «Si» (reniflement).
- «Tu sais, si je ne t’ai pas mise dans mon lit, c’est parce que tu es promise à une autre. Moi aussi, il faut que je prenne sur moi.»
- «Un laideron comme moi?»
- «Et d’une, tu n’es pas si moche. Et de deux, je fais ce qu’il faut pour te rendre excitante. Et de trois, tu as du répondant et une vraie personnalité. Tu me crois maintenant?»
- «Oui», répondis-je en hochant la tête.Un sourire illumina mes yeux embués.
- «Mais maintenant, il est l’heure de prendre ton bus. Tu as ton ticket dans la poche?»
- «Oui Madame.»
- «Dans le bus, il faudra rester debout même s’il y a des places assises. Tu seras courageuse quelques heures encore?»
- «Oui Madame.»
- «Alors je te souhaite bonne chance.»Cela dit, elle déposa un baiser chaste mais franc sur mes lèvres. Elle me prit par la main et m’accompagna jusqu’au portail de sa maison, comme dans un rêve.
Je repris mes esprits dans la rue. C’était la période des Saints de Glace, ces quelques jours du mois de mai où il fait souvent mauvais temps. Les bourrasques de vent soulevaient les pans de ma blouse, menaçant de dévoiler au public que je ne portais pas de culotte et qu’on m’avait rasé la chatte. Heureusement à cette heure-ci, ce quartier résidentiel ne connaissait aucun trafic piétonnier. Ce serait une autre histoire quand le bus approcherait du centre ville. En ce samedi après-midi, je serais certainement serrée contre d’autres personnes qui se rendraient compte que je ne portais pas non plus de soutien-gorge.
Il n’y avait personne à l’arrêt de bus. Les semelles de mes tongs étaient tellement minces que la centaine de mètres que j’avais parcourus avaient suffi pour que mes pieds soient mouillés. Je dus essuyer une ondée, la main gauche maintenant les pans de ma blouse, et ma main droite essayant de protéger mon décolleté de l’intrusion des gouttes d’eau froide. Ces intempéries commençaient à me faire broyer du noir. Si derrière les hauts murs de la maison d’Hélène je m’étais délectée, je l’avoue, de me voir affublée de cette tenue dégradante, je commençais à gamberger à l’idée d’être exposée ainsi au public.
Comment allaient réagir les gens? Ils allaient me regarder de pied en cap, du coin del’œil bien sûr. La plupart me prendraient pour une mendiante venue des pays de l’Est. Mais non, ce raisonnement ne tenait pas. Les déshérités qui vivent dehors s’habillent chaudement, même si leurs vêtements sont crasseux. Alors quoi? Il était trop tard dans l’année pour les bizutages. Soudain j’eus une idée: si quelqu’un me prenait en pitié ou tout du moins essayait de savoir, je prétendrais enterrer ce soir ma vie de jeune fille. Nous étions samedi; il était d’usage de faire subir quelques épreuves amusantes à ceux qui allaient "se faire passer la corde au cou". Oui mais voilà : la pluie commençait à détremper le mince tissu de ma blouse. Bientôt, il collerait à ma peau, on verrait la pointe de mes seins et on comprendrait que je ne portais rien en dessous.
Je cherchais une échappatoire. Hélène et Sandrine n’avaient pas dû prévoir ce temps de chien. Sans doute ne se rendaient-elles pas compte. J’allais retourner chez Hélène pour lui expliquer que j’avais froid, tout simplement. Elle ne me donnerait probablement qu’une vieille harde pour me couvrir davantage, mais au moins pourrais-je dissimuler mon intimité. Oui mais voilà, elle m’avait bien expliqué que le temps était compté. Si je ratais ce bus, à quelle heure arriverais-je chez Sandrine? Oserait-elle prendre le prétexte du retard pour ne pas me recevoir? Pourquoi pas. Elle avait été si intransigeante au cours de cette semaine. Je ne savais plus quoi faire. J’étais à nouveau au bord des larmes.
Je vis arriver une voiture, une 307 Peugeot qui commença à décélérer le long du trottoir. C’était le bouquet. On devait me prendre pour une prostituée. Ce serait au mieux un client que je n’aurais qu’à envoyer sur les roses, ou au pire des policiers en civil alertés par un notable du quartier qui m’observait depuis sa fenêtre. La voiture s’arrêta à mon niveau. L’eau ruisselante m’empêchait de voir à travers les vitres. La porte s’ouvrit côté passager. C’était Hélène.
- «Monte!» lança-t-elle sobrement.J’obéis, un peu hésitante à l’idée que j’échappais à mes obligations sans en connaître les conséquences. Hélène mit le chauffage à fond, démarra et dit comme si elle avait lu dans mes pensées:
- «Ne crains rien. Tu n’as pas cherché à te soustraire à cette épreuve. Par conséquent, nous considérons que tu l’as réussie.»Hélène conduisait paisiblement. Il y avait un sac de sport sur la banquette arrière. A l’extérieur la pluie redoublait de violence.
Si la géante n’était pas venue, j’aurais été trempée. A cette idée, je me rendis compte que j’avais menti par omission en laissant croire que j’étais résolue à attendre stoïquement le bus malgré les intempéries.
- «Madame, il faut que je vous dise. Si vous n’étiez pas venue me chercher, je ne suis pas sûre que j’aurais eu la force de monter dans ce bus.»Hélène tourna un instant le visage vers moi, à la faveur de la circulation.
- «Je m’en doute mais peu importe. A l’avenir, il faudra que tu apprennes à entretenir ton image de soumise. Tu comprends: si tu me laisses croire que tu aurais pris ce bus de toute façon, mon orgueil est satisfait d’avoir été obéie. Alors que là, tu égratigne ton image par excès d’honnêteté. Et ce faisant, tu risque de me décevoir.»Elle laissa s’écouler quelques secondes et poursuivit:
- «Je sais ce que tu penses : tout ceci est subtil et complexe. Mais finalement, si on regarde bien, il y a une règle qui supplante toutes les autres: l’esclave doit viser la fierté et la satisfaction de sa maîtresse. Si tu as compris ça, tu as tout compris. Fais attention, tu n’es pas assise correctement.»En effet, j’avais encore gardé la blouse sous les fesses. Je me tortillai pour réparer mon erreur, au risque d’exposer la nudité de mon sexe à tous les passants.
Heureusement, la buée qui recouvrait les vitres me protégeait de leur regard. Nous roulions sur la grande artère qui longe le jardin public, là où Sandrine m’avait fait ses premières avances. L’émotion des retrouvailles montait progressivement en moi.
Quand Hélène me déposa devant la résidence où habitait Sandrine, j’avais la gorge serrée.
- «Surtout n’oublie pas : passivité, docilité, diligence. Pas d’initiative. C’est elle qui mène le jeu. OK?»Je hochai la tête avec un petit sourire forcé en guise de reconnaissance et descendis de la voiture.
Arrivée devant la porte de la résidence, je pianotai en vain la combinaison sur le digicode car elle avait été changée. Il me fallut appeler Sandrine sur l’interphone, en trépignant dans ma tenue dégradante.
- «Oui?»
- «C’est moi, Sylvie.»
- «Monte! La porte de l’appartement sera ouverte. Referme-la derrière toi.»Le pêne électrique se déclencha et je m’engouffrai dans le hall. Heureusement, la cabine d’ascenseur m’attendait. Quelques secondes plus tard, j’arrivai sur le palier que je traversai d’un pas rapide. Je respirai un grand coup devant la porte de l’appartement et actionnai la clenche. A peine avais-je refermé le battant que la voix de Sandrine se fit entendre:
- «Avance jusqu’au milieu du séjour!»Ce que je fis, à petit pas prudents. Quand j’estimai m’être suffisamment avancée je m’arrêtai, tout en fixant du regard un point situé à trois mètres devant moi. Du coin de l’œil, je devinais Sandrine assise dans un des fauteuils du salon. Elle se leva et aussitôt, mon regard fut comme aspiré vers le haut.
- «Hélène m’a certifié que tu étais revenue à de meilleures dispositions. Tant mieux! Mais maintenant, il va falloir rattraper le temps perdu. L’hiver a noirci les dalles de la terrasse. Tu vas donc les décaper à l’eau de javel et avec une brosse en chiendent. Tu peux aller chercher ton matériel dans le cagibi.»
Et encore après quelques pas:
- «Tiens à propos, je t’informe que le cagibi est le seul endroit où tu pourras étendre ta paillasse pour la nuit. En attendant, tu as deux heures pour décrasser cette terrasse. Exécution!»La terrasse était le clou du duplex de Sandrine. Elle devait faire dans les trente mètres carrés. Cette corvée fut, je dois bien le reconnaître, particulièrement dure. Je devais travailler à quatre pattes et les dalles gravillonnées eurent tôt fait d’écorcher mes genoux et la paume de mes mains. En outre, je transpirais beaucoup et les averses se succédaient tant et si bien qu’au bout d’une demi-heure, j’étais trempée. De plus, j’avais en permanence le nez à quelques centimètres de l’eau de javel dont les effluves m’insupportaient de plus en plus.
Parfois, je devinais au raclement de ses talons aiguilles sur le sol que Sandrine m’observait par derrière. Alors, je creusais au maximum les reins pour que la blouse découvre en partie mon popotin et laisse entrevoir mon sexe glabre. Quand je faisais cela, mes tétons venaient à frotter sur les dalles rugueuses, provoquant de petits élancements exquis.
Sandrine m’arrêta alors que j’étais en train de brosser le dernier mètre carré:
- «Ça ira comme ça! J’ai besoin de toi à la salle de bain. Et fais attention à ne pas salir le sol à l’intérieur, sinon je te le fais laver à la serpillière et à quatre pattes.»Allait-elle me faire récurer la cuvette des WC avec les ongles? Je pris garde à essuyer mes pieds avant de pénétrer dans le salon. Ma blouse étant littéralement "à tordre", je dus en essorer les pans pour ne pas semer des gouttes d’eau derrière moi.
Précédant Sandrine dans l’escalier, je la devinais matant cette "nectarine" que je ne faisais rien pour dissimuler. Une fois dans la salle de bain, je vis qu’elle s’était fait couler un bain moussant. Sandrine ordonna:
- «Déshabille-toi et jette-moi ces frusques à la poubelle.»Je déboutonnai ma blouse laborieusement car mes doigts étaient gourds. Le torchon qui me cachait les cheveux alla la rejoindre au sol. J’étais à nouveau toute nue, mais la bonne chaleur de la salle de bain me faisait du bien après avoir subi la froideur de la pluie. Je pris la boule d’étoffe mouillée à deux mains et la jetai dans une petite poubelle près du WC.
- «Maintenant, entre dans la baignoire.»Tout en regardant Sandrine d’un air interrogatif, je m’assis lentement dans l’eau chaude. Quand j’eus de la mousse jusqu’au menton, Sandrine s’assit à l’opposé, sur le rebord en marbre. Elle me dévisagea un moment depuis ce point d’observation avant d’ouvrir un bocal de sels de bain multicolores dont elle jeta une poignée dans l’eau.
- «Voilà pour te faire une peau douce et parfumée, ma chérie.»Elle se leva et se pencha au-dessus de mon visage, prenant appui sur le rebord de la baignoire. L’extrémité de sa queue de cheval touchait la mousse quand elle susurra:
- «Sans mauvais jeu de mot, on peut dire que j’ai passé l’éponge pour l’autre soir. Désormais, tu peux te considérer comme blanchie.»Elle poursuivit en me caressant la joue et la tempe de son ongle verni de rouge sang:
- «Maintenant, tu va prendre un peu de bon temps car nous avons tout le week-end devant nous et lundi, je te rappelle que c’est férié. Nous allons d’abord avoir une longue conversation toutes les deux. Ensuite nous dînerons et après… hmm… tu vas voir comme ce sera bon…»Sandrine se redressa et se dirigea vers le placard où étaient rangés les draps de bains. Elle sortit un de ses peignoirs et une serviette pliée qu’elle posa sur un valet laqué de blanc.
- «Je t’attends dans le séjour. Surtout détends-toi. Ne pense plus à rien.»Sandrine quitta la salle de bain sur une dernière œillade de biche.
Alors ça y était? C’était trop beau. J’ai dû rester ainsi vingt minutes, le menton au ras de la mousse et les yeux fermés, sans bouger.
Lorsque je descendis l’escalier Sandrine était assise sur le divan, en train de feuilleter une de ses éternels magazines féminins. Sur la table basse et dans un vase monumental trônait le magnifique bouquet de roses rouges que je lui avais fait livrer le mardi précédent. Il était resté éclatant comme il se doit, tant il est vrai que "j’avais mis le paquet". Il y avait aussi un seau à glaçons avec une bouteille de vin doré, probablement du Jurançon ou du Monbazillac, le péché mignon de mon aimée.
Sandrine referma sa revue à la hâte et me désigna le fauteuil qui lui faisait face. Elle nous versa un verre de vin, me tendit le mien. Emmitouflée dans le peignoir et la serviette autour du cou, je ne m’étais pas sentie aussi bien depuis longtemps. J’admirais ma belle conquête, laissant m’envahir les arômes du vin liquoreux.
Sandrine attendit un instant avant d’annoncer:
- «Ma chérie, je pense te devoir quelques explications.»Elle fit quelques pas à travers le séjour.
- «Sylvie, si tu es arrivée jusqu’ici sans te sauver en courant, c’est sans doute que tu seras réceptive au discours que je vais tenir. Tu l’auras compris: tu es tombée dans un nid de mygales. Il y a d’abord le lesbianisme. Nous sommes ce qu’on est en droit d’appeler les véritables "femmes libérées", dans le sens où nous assumons notre différence sans complexe, voire que nous militons pour sa reconnaissance pleine et entière dans la société. Je dois bien reconnaître qu’à ce titre, je ne suis pas fière de ce que je t’ai dit pour le "gentil mari et les enfants". Je me suis laissée aller à la méchanceté mais… j’ai bien l’intention de me rattraper.»
Sandrine prononça cette dernière phrase en passant derrière mon fauteuil, laissant traîner un ongle sur ma nuque et mes clavicules.
- «Et ensuite, "last but not least "" comme on dit, il y a notre jardin secret, notre déviance. D’aucuns nous qualifierons de sadiques. Je déteste ce mot qui recouvre les tortionnaires, les sanguinaires qui ont marqué l’histoire et les assassins d’enfants. On entend bien depuis quelques années le terme de "dominatrice", mais ceci me fait penser à la prostitution de luxe et à l’iconographie masculine. Non, je préfère de loin le terme de "maîtresse". Si on regarde bien, ce mot a souvent une connotation douce et conviviale : l’institutrice, l’amante des maris volages ou la maîtresse de maison… Bref je trouve ce mot assez convenable pour désigner celles qui comme nous, vivent leur sexualité en exerçant un pouvoir total sur leur partenaire.»A ces mots, je dus baisser les yeux et rougir légèrement. Sandrine prit encore un peu de vin et poursuivit à propos:
- «Tu ne dois pas avoir honte, Sylvie. C’est la nature ou la vie, que sais-je, qui t’a donné des goûts disons… très complémentaires à celui des maîtresses. Dans ta situation ma chérie, tu peux soit reléguer ces pulsions au rang de fantasme pour alimenter ta vie intérieure, soit entreprendre une thérapie longue et coûteuse et aux bénéfices incertains. Quoi de plus difficile à soigner, n’est ce pas, qu’une prétendue maladie qui donne du plaisir? Mais, tu peux également décider d’en faire un art de vivre, une épice qui imprégnera chaque instant de ta vie quotidienne. C’est le sens du pacte que je vais te proposer.»Je me rendais compte que je n’avais pas prononcé un mot depuis mon arrivée et que si j’avais voulu, j’en aurais été bien incapable tellement ma gorge était nouée.
Sandrine sentit probablement ma tension intérieure. Elle vint une nouvelle fois derrière le dossier de mon fauteuil, mais inséra cette fois les deux avant-bras dans mon peignoir pour me caresser le ventre et la poitrine. Je sentais son parfum poivré, sa joue contre mon oreille où elle glissa:
- «Je veux que tu sois sûre qu’il n’y aura aucun chantage. Même si tu venais à rejeter ce pacte, tu as d’ores et déjà gagné deux nuits d’amour. C’est la moindre des choses après tout ce que je t’ai fait subir. Dans ces conditions, acceptes-tu que je t’explique en quoi consiste cette… proposition?»Je hochai la tête en signe d’assentiment.
- «Tu devrais goûter ce vin. Un vrai nectar.»Il est vrai que je n’y avais pas encore touché. J’en pris une gorgée et aussitôt, les arômes de miel et de fruits secs envahirent ma bouche.
- «J’ai commandé quelques douceurs chez le traiteur. Il ne devrait plus tarder. Je ne voudrais pas que ce sagouin interrompe ma présentation. Ça ne te dérange pas si je temporise un peu?»Je hochai cette fois la tête en signe de dénégation.
Sandrine vint s’asseoir à mes côtés. Son corps magnifique était à quelques centimètres de moi et je n’osais pas même pas la regarder dans les yeux.
- «Enlève-moi un doute. Cette cruelle Hélène ne t’a pas coupé la langue ? Car je lui avais formellement interdit…»Elle reprit une gorgée de vin et dit:
- «Hmm, laisse-moi quand même vérifier…»D’autorité, elle posa ses lèvres peintes et charnues sur les miennes et inséra sa langue entre mes dents. J’ouvris grand la bouche pour accueillir cette intruse et son cortège de parfums d’Aquitaine. Me trouvant sans doute trop passive, Sandrine monta à califourchon sur mes cuisses. Elle prit ma main droite, la posa sur son épaule dénudée et plaqua ma main gauche en bas de son dos. Elle écarta les pans de mon peignoir, prit chaque sein dans la paume de sa main, pencha la tête sur le côté et continua son baiser, les yeux rougeoyant derrière ses cils alourdis de mascara.
La sonnerie de l’interphone retentit et Sandrine se dégagea, quelque peu contrariée.
- «Si c’est le petit rouquin il va me le payer!»Elle alla déclencher l’ouverture de la porte de l’immeuble et quelques instants plus tard effectivement, un jeune commis en costume de "garçon boucher" portant un caisson thermique se présenta à la porte. Le pauvre gamin, le visage grêlé de tâches de rousseurs et les cheveux roux coupés en brosse, faillit lâcher son chargement quand il vit la tenue de sa cliente. Il n’imaginait sans doute pas que de telles créatures puissent exister en dehors de ses mangas érotiques.
Sandrine lui indiqua la cuisine d’un geste autoritaire. Le visage écarlate, au bord de l’apoplexie, il alla y déposer son caisson. Quand il reparut à la porte de la cuisine, il se trouva "nez à nez" avec sa belle cliente; façon de parler, car la poitrine de Sandrine lui arrivait à hauteur du visage.
- «Dis donc, petit. On avait promis de me livrer pour 18h30 au plus tard et il est 19h35. J’ai mangé un sandwich. Je n’ai plus faim. Il va falloir remporter ta marchandise.»
- «Mais m’dame, j’ai été pris dans les embouteillages. Si mon patron apprend ça il va défalquer la facture de ma paye!»Sandrine opposa sa main en signe de rejet, signifiant qu’elle ne voulait rien entendre.
- «S’il vous plaît m’dame. Y faut que je paye les traites de mon Ibiza. C’est déjà arrivé deux fois dans le mois. Soyez cool s’il vous plaît.»
- «Et qu’est-ce qui me prouve que tu étais réellement dans les embouteillages? Es-tu sûr que tu n’étais pas plutôt en train de feuilleter des revues pornos dans ta camionnette?»Le commis ne savait plus où se mettre.
- «J’vous jure que non…»
- «Ah bon. Tu n’en lis jamais?»
- «Si mais…»
- «Petit cochon, c’est bien ce que je pensais.»
- «Non, non. Jamais pendant le boulot!»
- «Oui oui, on dit ça. Mais si on pensait plus au travail et moins à ce qu’on va lire lesoir, les clients seraient servis avec plus de diligence.»Le gamin était atterré. Il ne savait plus quoi répondre. Sandrine concéda finalement:
- «Bon, ça ira pour cette fois. Mais ne recommence plus. File!»
- «Merci m’dame. Vous êtes bien cool.»
Alors qu’il allait passer la porte de l’appartement, Sandrine le héla.
- «Une petite minute!»L’apprenti se retourna, redoutant une dernière critique. Sandrine lui tendit un pourboire de dix euros du bout des ongles, qu’il dut cueillir à trois centimètres de son décolleté. Quand il disparut enfin, le pauvre gamin avait accumulé une charge émotionnelle suffisante pour se masturber pendant trois semaines.
Sandrine retourna s’asseoir.
- «J’adore réprimander les puceaux pour des vétilles. Je devrais avoir honte. Mais bon, on ne se refait pas.»Cette saynète m’avait bien fait rire. Après le baiser de Sandrine et quelques gorgées de ce vin liquoreux, j’avais le regard brillant, le rouge aux joues et le sourire aux lèvres.
- «Remarque bien qu’il a le permis de conduire. Il saute sûrement sa copine dans son Ibiza», remarquai-je.
- «Je suis heureuse que tu aies retrouvé la parole. Mais hélas oui, tu as sans doute raison. Avant, c’était le patron qui venait en personne mais une fois, je suis allée au magasin pour régler la facture. J’étais habillée, disons un peu court et c’est sa femme qui m’a reçue. Depuis lors, elle exige qu’il envoie son apprenti à sa place et il compense sa frustration en le traitant en despote. Je trouve ça détestable. Je vengerai ce gamin, mais je ne sais pas encore comment.»
- «Tu devrais monter dans l’Ibiza pour qu’il parade devant ses copains. Ensuite, vous feriez un arrêt au magasin pour acheter de la salade de museau et du céleri rémoulade.»Sandrine éclata de rire.
- «Oui, bonne idée ! Je vais y penser.»Nous nous sustentâmes sans dire un mot. Sandrine était assise en face de moi. Il me semblait qu’elle émettait des bruits exagérés quand elle se suçait les doigts, comme la fois précédente au restaurant de fruits de mer. Cette fois, je ne renchéris pas car je sentais approcher le moment fatidique. L’instant se prêtait mal aux blagues salaces.
Quand nous fûmes arrivées à satiété, Sandrine dit en se redressant:
- «Bien, je crois que l’heure est venue de poursuivre mon exposé, n’est ce pas?»
- «C’est inutile.»
Sandrine me regarda d’un air interrogatif, l’œil gauche légèrement en avant.
- «Mais encore?»
- «J’ai parfaitement compris ce dont il s’agit.»Cette fois, Sandrine semblait en proie à l’inquiétude. Alors, j’ai agi lentement en décomposant tous mes gestes. J’ai dénoué la ceinture de mon peignoir, j’ai dégagé mon épaule droite, puis la gauche, et j’ai laissé glisser mon unique vêtement sur le fauteuil. Une fois en tenue d’Eve, je me suis levée et j’ai contourné la table jusqu’à me trouver à un pas devant Sandrine. Je me suis agenouillée, bien assise sur les talons, j’ai posé les mains bien à plat sur les cuisses, j’ai redressé le buste et j’ai dit d’une voix haute et claire, en la regardant droit dans les yeux:
- «Sandrine, je voudrais devenir ton esclave.»Sandrine sembla marquer le coup. Pendant quelques secondes elle me dévisagea, ne semblant pas y croire. Finalement, elle lâcha:
- «Tu peux te vanter de m’avoir bluffée. J’accepte bien sûr. Je n’ai jamais rien voulu d’autre.»Sa voix avait déraillée. Ma maîtresse était émue. Elle tourna la tête sur le côté, passant le dos de son index sur ses paupières, probablement pour essuyer une larme.
Poussant mon avantage, j’ai glissé jusqu’à ses genoux que j’ai enlacés.
- «Reprenez-vous Maîtresse. Vous allez brouiller votre beau maquillage par ma faute. Je ne voudrais pas être punie dès le premier soir…»Cette fois Sandrine avait perdu son éternelle maîtrise de soi. Elle répondit avec une voix pleine de trémolos:
- «Idiote! Embrasse-moi plutôt au lieu de dire des âneries.»Je me suis redressée pour offrir mes lèvres à Sandrine, en gardant bien les bras le long du corps. Elle m’embrassa fougueusement, avec des mouvements de mandibule comme si elle voulait me dévorer. Le fard à paupière avait laissé de fines traînées sur ses joues, ce qui me donnait l’impression d’être en proie à une créature mythique telle qu’une harpie. Le baiser dura près d’une minute au terme de laquelle Sandrine se dégagea.
- Viens chérie. Allons faire l'amour!»
Sandrine me prit par la main et m’emmena dans sa chambre…
Le dimanche matin, nous déjeunâmes silencieusement. A mon grand regret, il n’y eut pas de « prolongation ». Une fois rassasiée, Sandrine prit la parole.
- Sylvie, hier tu m’as comment dire… coupé l’herbe sous le pied de la plus belle façon. Mais ce matin, il va bien falloir que je t’explique le code qui va régir ta nouvelle vie. En fait, nous allons reprendre nos vieilles habitudes comme si de rien n’était. Tu vas me tutoyer et m’appeler par mon prénom, sans façon. Evidemment, tu t’occuperas de "tenir la maison" et toutes les corvées domestiques seront pour toi. Cependant, tu mangeras à ma table et nous bavarderons ensemble comme nous l’avons toujours fait. Comme tu es une fille intelligente, tu sauras faire la part des choses; tu n’oublieras pas pour autant ton statut vis à vis de moi.»
Comme la veille, Sandrine se mit à faire les cent pas en parlant, comme si elle plaidait au tribunal.
- «Bien entendu, il y aura de nombreuses exceptions. Nous participerons à des week-ends et des soirées à thèmes au cours desquels tu t’adresseras à moi avec déférence, comme tu m’as prouvé en être capable. Et crois-moi ces jours-là, le vouvoiement et l’usage de "Madame" ou "Maîtresse" ne seront qu’une marque de soumission parmi d’autres. Tu dois t’abstenir de me tenir tête sur quelque sujet que ce soit ; mes décisions sont souveraines. Comme nous ne vivrons pas que d’amour et d’eau fraîche, il faut bien parler argent. Tu es ma salariée. Le but est que tu bénéficies des prestations sociales si jamais il m’arrivait quelque chose, ou tout simplement si tu tombais malade. Ceci te prouve que j’envisage notre pacte sur le long terme et que ce n’est pas la lubie d’un soir.»Elle continua:
- «Mardi à la première heure, tu prendras rendez-vous avec ta banque où tu signeras une procuration me permettant de récupérer le salaire net que je verserai sur ton compte. Tu me remettras également tous les moyens de paiement afférents : carte, chéquier etc. Je pourvoirai à tous tes besoins et tu n’auras d’autres loisirs que ceux auxquels je trouverai avantage. Tu n’as donc plus besoin d’argent à ta disposition, hormis la carte de crédit qui te sert à faire les courses et que tu connais déjà, bien entendu. Tout ce dont je viens de parler ma chérie, tu l’as déjà plus au moins vécu à mes côtés. En revanche, une chose va changer pour toi : fini la misère sexuelle. Tu feras souvent l’amour et les jours où ça ne se fera pas, il y aura des caresses et pourquoi pas, de la tendresse. Je t’apprendrai dans les prochaines semaines à donner du plaisir à une femme dans quelque circonstance que ce soit. Par la suite, je te désignerai celles à qui tu devras accorder tes faveurs, ou plus exactement MES faveurs. Je peux te prêter pour une heure, pour une journée ou pour une semaine, à qui je veux, comme esclave sexuelle ou tout simplement comme servante. Par la force des choses, tu seras bien entendu ma partenaire habituelle. Cependant, il va de soi que je pourrai prendre d’autres amantes aussi souvent et aussi longtemps que je le souhaite. Comme tu pourras être amenée à les servir ou bien même à ramper devant elles, autant te faire tout de suite à cette idée. Je ne tolèrerai pas un autre clash comme la semaine dernière. Tu es ma chose et en tant que telle, je te prête, je te reprends, je t’utilise et je modifie ton apparence à ma guise. A partir de ce jour, tu ne peux plus te prévaloir de je ne sais quelle dignité, de même que tu ne saurais être possessive puisque de fait, c’est toi qui m’appartiens.»Sandrine me laissa le temps d’avaler ma salive. Je ne m’attendais pas à des propos aussi catégoriques. Probablement le comprit-elle, car elle poursuivit sur un ton plus rassurant.
- «Sylvie, je te dis tout cela par honnêteté, pour que tu comprennes bien le sens de ta nouvelle servitude. Que là non plus, ce n’est pas le fantasme d’un soir; c’est dorénavant la réalité. Dans la pratique, je couche régulièrement avec trois ou quatre femmes, pas plus. Je pense que tu apprendras à les connaître et à les apprécier. Si je devais te prêter à une inconnue, je serais physiquement présente ou bien si j’en étais empêchée, ce serait Hélène qui a toute ma confiance. Regarde le bon côté des choses. Je t’aurai constamment sous la main et tu en profiteras, crois-moi.»Sandrine se leva et reprit sa déambulation, les bras croisés.
- «Sache également qu’en tant que maîtresse je n’ai pas que des droits, j’ai aussi des devoirs. Je suis responsable de ta santé et de ton intégrité physique. Plus généralement, je te mettrai à l’abri des contingences de la vie. C’est aussi mon intérêt, car je veux ton esprit entièrement tourné vers la satisfaction de mes désirs.»Sandrine vint se poster derrière le dossier de mon fauteuil. Elle posa négligemment ses mains sur mes épaules et poursuivit:
- «Ensuite ma chérie, il faut bien que je te parle des punitions. Tu as de la chance car nonobstant, je n’éprouve pas de plaisir à infliger la douleur. Néanmoins, j’ai toute latitude pour réprimer un comportement non conforme à ta condition d’esclave, ou bien telle ou telle négligence de la vie quotidienne. La gamme de sanctions que j’ai à ma disposition n’est limitée que par mon imagination. Leur choix n’est pas dicté par une quelconque idée de justice, ce à quoi tu ne saurais prétendre. Dans ce domaine comme dans d’autres, je donnerai libre cours à mon bon plaisir et à mon inspiration du moment. En bas de l’échelle, il y aura les privations de confort, les punitions corporelles et pour les cas extrêmes, ce pourrait être la répudiation pure et simple. Je pourrais aussi te bannir pour une durée indéterminée; tu as vu cette semaine comme ça peut faire mal. D’autant que si une telle situation perdurait, conformément à l’adage "Loin des yeux, loin du cœur", je pourrais être tentée de te remplacer. Or tu l’auras compris: je n’aurais qu’à claquer du doigt pour tomber une fille bien plus belle que toi.»Un frisson parcourut mon échine à l’écoute de cette dernière phrase. Un coup de cravache n’aurait pas été plus cruel. Sandrine contourna le fauteuil et vint s’asseoir sur l’accoudoir. Elle posa sa main sur la mienne et dit :
- «Première leçon. Tu vas apprendre à me lécher la chatte.»La séance fut relativement longue, au moins une heure. Je reconnais ne pas en garder un très bon souvenir. Mes fantasmes ne m’avaient pas préparée à cette odeur forte, à la rugosité du système pileux et à la surface gluante des muqueuses (tandis que maintenant, je dois dire que ça va beaucoup mieux). Quand Sandrine estima que j’avais assimilé les rudiments de la pratique, elle me fit asseoir près d’elle et m’expliqua en quoi consisterait ma formation de "petite lécheuse".
Au début, j’allais acquérir la maîtrise du cunnilingus dans des circonstances idéales, c’est à dire avec les mains et sur une femme étendue. Ensuite, elle compliquerait progressivement la situation, jusqu’au jour où je ne pourrais plus m’aider de mes mains, ou bien que j’aurais affaire à une femme portant une jupe droite, et pressée de surcroît. Il faudrait que je m’adapte à mon environnement immédiat, que je sois capable d’agir dans un lieu semi-public tout en préservant la confidentialité de l’acte, ou bien sous une table comme lécheuse de convives. J’apprendrais également comment gérer l’avant et l’après ; si les circonstances s’y prêtaient déshabiller la femme, lui proposer un rafraîchissement ou de la musique, et après lui proposer de repasser ses vêtements ou bien lustrer ses chaussures. En somme, je devrais tout faire pour la mettre à l’aise, pour que rien ne vienne gâcher son plaisir.
Pour la fin de l’après-midi, Sandrine m’envoya à mes tâches ménagères pendant qu’elle compulsait un dossier professionnel. Le soir, elle me demanda de préparer des plateaux télés.Nous avons passé ainsi la soirée, à grignoter et à regarder des émissions légères en nous caressant mutuellement. Ainsi se termina le deuxième plus beau jour de ma vie.
Le samedi suivant, je devais me présenter au domicile d’Agathe et Laetitia pour dix- huit heures. Sandrine m’avait ordonné de revêtir le même uniforme que pour le dîner qu’elle avait donné quelques semaines auparavant. Elle m’apostropha alors que je passais un imper pour me rendre à l’adresse indiquée.
- «Pourquoi t’emmitoufler ainsi? Nous sommes au mois de juin et le temps est au beau fixe.»
- «Eh bien, euh, c’est pour disons… la discrétion…»
- «La discrétion? Quelle drôle d’idée! Mais ma fille, il serait temps d’assumer ta position une bonne fois pour toute. Quand toute la rue saura que tu es mon employée de maison, tu n’auras plus rien à cacher et tu seras libérée d’un grand poids, n’est ce pas?»
- «Oui mais…»
- «Il n’y a pas de "mais". Tu vas te rendre à pied à ton rendez-vous telle que tu es là. L’éclat du soleil mettra en valeur la blancheur de ton corsage et de ton tablier. Dans la position où tu te trouves, je trouve même que c’est un motif de fierté. Et n’oublie pas en arrivant chez mes amies: un regard appuyé sera considéré comme de l’insolence. Et si cela arrive tu le regretteras. C’est bien compris?»
- «Oui Maîtresse.»J’avais quitté l’immeuble en essayant de me fondre dans le décor, tellement je craignais de faire l’objet de commentaires de la part des passants. A force de marcher en regardant le sol devant moi, je m’étais même perdue dans le centre ville. Cependant à la longue, je finis par m’habituer aux regards. Les gens penseraient probablement que je travaillais chez un traiteur de luxe et que j’allais servir à un mariage; après tout, nous étions samedi. Je retrouvai finalement le domicile de Laetitia et Agathe qui était attenant à leurs boutiques. J’ajustai mon serre-tête en me regardant dans la vitrine et respirai un grand coup avant de sonner.
J’éprouvai un certain soulagement en voyant que c’était Stéphanie, une de leurs esclaves que j'avais déjà croisée, qui venait m’ouvrir. Elle était habillée exactement comme moi, ce qui donnait certaines indications sur le fournisseur de Sandrine. Stéphanie referma le battant derrière moi avant de m’entretenir à voix basse:
- «Je n’ai pas le droit de te faire la bise mais le cœur y est. Je vais te présenter à Madame. Quand j’aurai cité ton prénom, fais la révérence comme ceci.»Stéphanie fléchit légèrement les genoux, pour autant que l’étroitesse de la jupe le lui permettait, tout en tenant son tablier du bout des doigts. Cela n’avait pas l’air difficile; seule la peur du ridicule aurait pu me faire échouer. Mais après tout, je n’étais plus quelqu’un d’ordinaire. C’est Sandrine qui avait raison; je devais assumer la voie que j’avais choisie.
Stéphanie me devança dans un escalier en pierre monumental. Je notai au passage la hauteur exceptionnelle de ses talons qui faisait presque oublier sa petite taille. Après un dédale de couloirs, Stéphanie frappa à une porte en chêne. Une voix étouffée nous parvint de l’intérieur, nous invitant à entrer. Nous pénétrâmes dans une sorte de boudoir dans lequel se trouvaient Laetitia et Agathe. Manifestement, elles se préparaient pour la soirée. Elles n’essayaient pas cette fois de simuler la gémellité, mais jouaient la carte de la complémentarité ; un fourreau bleu azur et une perruque blonde pour Laetitia et la même robe en rouge vermillon pour Agathe, qui avait naturellement les cheveux châtains.
Stéphanie prit la parole d’une voix posée:
- «Madame, je vous présente Sylvie qui vient m’aider à servir ce soir.»Je fis la révérence comme indiqué mais avec un petit temps de retard, probablement d’une façon un peu trop crispée. Laetitia m’adressa la parole pendant que son amie se pomponnait, installée à une coiffeuse.
- «Sois la bienvenue Sylvie. Sache que si ce soir tu fais ton travail correctement, tu n’auras pas affaire à des ingrates. Ta maîtresse m’a assuré que tu ferais de ton mieux, ce dont je ne doute pas. Agathe va t’équiper pour la soirée, de même que Stéphanie. N’aie crainte, ta maîtresse a donné son assentiment; tout sera conforme aux règles que vous vous êtes fixées. A présent, veuillez toutes deux fermer les yeux et vous tenir les bras le long du corps.»Stéphanie et moi obéîmes. J’entendis le raclement d’une chaise sur le plancher. Ce devais être Agathe qui se levait. Des pas s’éloignèrent, puis se rapprochèrent de nous. Agathe se tenait maintenant derrière moi. Je perçus un froissement de taffetas quand elle se baissa et contre toute attente, je sentis qu’on entourait mes chevilles d’une sorte de lanière. Agathe se redressa dans un nouveau bruissement pour me passer un collier et m’ordonner d’ouvrir la bouche, ce que je fis non sans inquiétude.
Elle précisa «C’est un petit» comme pour me rassurer en m’enfonçant entre les dents un objet sans aspérité. Elle serra aussitôt une courroie derrière ma nuque, ce qui eut pour effet d’écarter un peu plus mes mâchoires. Je devinais ensuite qu’Agathe s’occupait de Stéphanie. Je profitai de ce répit pour respirer profondément par le nez, pour m’habituer à ce corps étranger coincé entre ma langue et mon palais.
Quelques secondes plus tard, Laetitia ordonna:
- «Vous pouvez ouvrir les yeux.»Agathe se tenait à côté de moi. Elle me prit par le bras pour m’emmener devant le grand miroir qui trônait au-dessus de sa coiffeuse. Pour avoir trébuché, je compris que j’étais entravée aux chevilles. Agathe devait s’attendre à cet incident car elle me retint fermement en commentant:
- «La longueur de la chaîne est calculée de pour vous permettre de monter tous les escaliers de la maison et pour vous contraindre à une démarche élégante, c’est à dire sans à-coups et agréable pour les convives. Rien de plus horripilant que le trottinement saccadé des servantes autour des tables, n’est ce pas?»J’étais maintenant face au miroir. Agathe poursuivit son explication.
- «Ce collier rappelle votre statut à toute personne qui le verra. Il ne s’agit pas qu’on s’imagine que vous êtes des serveuses normales. Vous êtes la chose de quelqu’un et il faut que ça se sache.»En parlant, Agathe promenait son doigt au bord du collier. Il était large et épais comme celui qu’Hélène m’avait imposé un jour, presque une minerve. Je commençais à comprendre pourquoi le corsage de mon uniforme avait un col droit; c’était pour pouvoir superposer cet appareil.
Enfin, Agathe désigna avec son index la boule rouge qu’on apercevait dans ma bouche entrouverte, et qui tenait lieu de bâillon.
- «Ceci a pour but de supprimer tout bavardage inutile. Tout le monde sait que les petites bonnes ne savent pas tenir leur langue. Or, nul besoin de parole pour obéir aux consignes. Stéphanie en est dispensée car elle dirigera ton travail. C’est elle qui connaît la maison.»Agathe fit un pas en arrière et Laetitia conclut:
- «Voilà. Vous pouvez disposer.»Stéphanie fit sa révérence et j’en fis autant. Nous sortîmes à petits pas pour ne pas trébucher. Une fois dans le couloir, Stéphanie me sourit et se confia à voix basse mais sur un ton enjoué:
- «Je voudrais tant être à ta place. J’adore être bâillonnée. Pense à bien avaler ta salive et tout se passera bien.»Stéphanie m’emmena jusqu’au centre de l’édifice où se trouvait une cour intérieure entourée d’arcades et au milieu de laquelle coulait une fontaine. L’existence de ce patio était insoupçonnable depuis l’extérieur. De nombreuses plantes grimpantes renforçaient l’impression de fraîcheur dispensée par le point d’eau. Des tables rondes et de faible diamètre étaient réparties sous les arcades et d’autres se trouvaient à l’intérieur, dans une vaste salle meublée de canapés profonds.
Stéphanie m’expliqua qu’il s’agissait d’un "apéritif dînatoire" et que par conséquent, notre rôle consisterait à passer alternativement avec des coupes de champagne ou des réductions sucrées et salées. Les plateaux seraient préparés par Maria; nous n’aurions qu’à les emporter. Avant cela, il faudrait nous occuper du vestiaire. Comme la soirée était chaude, Stéphanie avait bon espoir que les invités ne s’encombrent pasde vêtements inutiles.
Notre première tâche consista à disposer des bougeoirs sur toutes les tables déjà recouvertes de nappes blanches. Aux endroits où il n’y aurait pas de bougie, Stéphanie m’indiqua les variateurs qui permettaient d’avoir en permanence une lumière tamisée, ce à quoi "Madame" tenait beaucoup. Stéphanie me parlait d’une façon complice, me prenant souvent par le bras pour ponctuer une explication, ou bien me frôlant avec ses seins sous n’importe quel prétexte. Mon bâillon m’empêchait de sourire et tellement elle était petite, mon collier rigide me gênait pour lui retourner ses regards aguicheurs. Je la soupçonnais de le faire exprès. Sans doute avais-je affaire à une petite allumeuse, mais au charme fou.
A plusieurs reprises je me rendis à la cuisine pour y chercher les plateaux d’amuse-bouche salées ou sucrées. Là, j’avais tout le loisir d’observer Maria qui était en charge de leur préparation. Comme moi, elle était bâillonnée et portait un collier en cuir épais. Elle était boudinée dans une blouse de nylon rosâtre au travers de laquelle on distinguait le laçage d’un corset. Elle était grossièrement maquillée et portait une charlotte sur les cheveux. A bien regarder les jambes et les avant-bras exempts de pilosité mais nerveux, les pieds un peu trop grands, la mâchoire trop carrée et les hanches trop étroites, je compris que Maria était en réalité un homme travesti. Il fallut que Stéphanie vienne me pincer les fesses pour que je sorte de la stupeur dans laquelle cette découverte m’avait plongée.
- «Tu sais que je pourrais te faire punir pour bailler ainsi aux corneilles», me glissa-t-elle en passant, avec une saccade de clignements d’yeux pour souligner l’espièglerie de sa remarque.Mais j'étais intriguée…
- «Parle-moi de Maria.»
Stéphanie laissa échapper un petit soupir.
- «Normalement c’est un sujet tabou. Tu me promets de ne rien répéter à ce sujet? J’ai déjà été punie pour avoir utilisé un pronom masculin dans une phrase. D’une façon générale, il m’est interdit de remettre en cause la féminité de Maria, que ce soit de façon explicite ou bien par allusion.»
- «Tu as ma parole. Je serai muette comme une tombe.»
- «De toute façon et en définitive, je ne sais pas grand chose. Tu l’auras remarqué, Maria est aussi soumise que nous. Je peux lui donner des tâches domestiques car ici, je joue un peu le rôle d’intendante. En revanche, je n’ai pas le droit de lui imposer de sortir de cette maison, de critiquer son apparence et encore moins de l’utiliser pour mon plaisir personnel. Elle est discrète, efficace et docile. J’ai déjà eu envie de la récompenser, par exemple avec une petite branlette sous le tablier, mais ça m’est défendu. Je suppose que Madame s’en charge. Du moins peut-on raisonnablement l’espérer vu que la chambre de Maria se trouve entre celle d’Agathe et la sienne. D’ailleurs, je n’ai pas le droit d’y pénétrer… En tout cas, je dois reconnaître que d’avoir une bonne, c’est très pratique. Voilà plus de deux ans que je n’ai pas touché un aspirateur ou un fer à repasser.»
- «En somme, tu es une sorte de dominatrice dans ton genre. Tu donnes des ordres à une soubrette…»
- «N’exagérons rien. Disons que la frontière entre la population des maîtresses et celle des soumises n’est pas aussi nette qu’elle en a l’air. Par exemple, quand nous sommes au lit et sous l’effet de certaines caresses, Madame se comporte comme une truie en chaleur.»Je ne m'étends pas sur le reste de la soirée. Je dus rester et partager la couche de Stéphanie. Conformément à mon pressentiment, Stéphanie était une vraie petite bombe ; on aurait dit qu’elle était faite de caoutchouc. Je n’avais pas fermé l’œil avant le petit matin. Quand je me réveillai, le soleil était presque à son zénith et Stéphanie était accoudée à la fenêtre qui donnait sur les toits. Elle se retourna et me proposa de prendre notre petit déjeuner. J’acceptai avec joie car nos ébats m’avaient laissée sans énergie. Stéphanie téléphona pour donner un ordre bref et précis, à Maria supposai-je ; après quoi nous descendîmes, rafraîchies par une douche rapide.
L’emplacement de la fête de la veille avait déjà été totalement nettoyé. Une petite table ronde avait été dressée au milieu de la cour intérieure; nous nous y assîmes. Maria apparut bientôt avec les victuailles du petit-déjeuner. Ce jour-là, elle n’avait pas essayé de tricher sur ses formes avec des artifices en mousse comme j’en avais déjà vu dans un film d’Almodovar. Bien au contraire, une petite jupe noire et un chemisier blanc à manches courtes mettaient en valeur son corps félin, et elle avait opté pour une perruque blonde qui resplendissait sous le soleil de juin. Bref, elle était tout sauf ridicule.
Maria avait repassé et rangé mon uniforme de la veille dans une housse. Stéphanie me prêta donc des vêtements qui appartenaient à sa maîtresse, ayant remarqué que nous avions plus ou moins la même taille. Me tenant par le bras, elle me raccompagna à mon domicile en faisant un large détour.
La première quinzaine de juillet arriva avec son agréable atmosphère de vacances. Sandrine vint à voyager pour raison professionnelle, si bien que je dus passer plusieurs jours seule à l’appartement. Sachant cela, Hélène s’invita un soir à la maison.
Après le repas, je dus me déshabiller en ne gardant que ma culotte. Hélène alla fouiller dans son sac à main. Elle revint avec un mousqueton Sans prévenir elle me tordit les bras dans le dos, me força à pencher le buste vers l’avant et attacha mes poignets ensemble.Mon cœur battait la chamade. Finalement, il était toujours possible qu’Hélène soit folle, voire dangereuse à cause de sa force. Elle me tira par les cheveux pour me forcer à me redresser. Je ne la sentis que trop tard mettre sa main dans ma culotte où ses doigts se frayèrent un passage à l’entrée déjà gluante de mon vagin. D’un geste vif, Hélène y enfonça un objet.
Hélène me retourna. Dans mon vagin la chose bougea, provoquant une première trépidation. La géante m’embrassa, me plaquant contre elle en appuyant sur ma croupe avec la paume de la main droite. Mon pubis alla à la rencontre de sa cuisse; nouveau sursaut du bidule dans mon ventre comme si c’était vivant. Même si c’était le début du plaisir, j’avais un peu peur de cette chose qui m’excitait sans que j’aie connaissance d’un prolongement extérieur.
- «Qu’est ce que c’est?» m'inquiétai-je en gémissant.
- «Tu manques d’humilité car tu deviens sexy. Je vais te donner la fessée.»Brutalement, Hélène me souleva et fit trois pas vers mon lit où elle s’assit. Elle me jeta en travers de ses cuisses, les fesses en l’air. Dans mon ventre la petite bête s’agitait comme si prise au piège, elle voulait s’échapper. Le plaisir s’installait; je ne respirais plus qu’en geignant. Violemment, Hélène me donna la fessée en donnant libre cours à sa puissance musculaire. Ses longues mains percutaient alternativement chaque fesse, soulevant à chaque fois une onde de chair qui se propageait jusqu’à mon clitoris.
Dans mon vagin, la bête se débattait. C’était comme si des homoncules tambourinaient furieusement sur mes muqueuses intérieures. Au bout de quelques secondes de ce traitement, je jouissais autant que je pleurais. Entre deux coups, j’essayais de supplier pour mettre fin à la séance mais je n’émettais rien d’intelligible, seulement des onomatopées et un filet de salive. Je me rappelle à peine Hélène me jetant à son côté, cette fois sur le dos, passant une main sous mes fesses et posant la deuxième main sur mon bas-ventre pour entreprendre un massage circulaire, en appuyant de toutes ses forces. Au bout de trois secondes de ce traitement un voile gris descendit sur mes yeux, peuplé par une nuée de papillons multicolores. Je me suis raidie avant de retomber, amorphe et la bouche béante.
Alors que je commençais à recouvrer les sens de la vue et de l’ouïe, Hélène m’essuya le visage et libéra mes poignets.
- «Ah oui au fait Ce truc s’enlève comme un tampon… Bye bye!»Mes doigts trouvèrent effectivement un petit cordon sur lequel je tirai pour extraire l’objet, non sans libérer un reliquat de volupté qui rayonna dans mon ventre. J’observais ensuite pendant dix minutes ce petit gadget tout bête; une enveloppe semi-rigide en néoprène et à l’intérieur, de lourdes billes d’acier qui s’entrechoquaient en libérant de subtiles vibrations. Hélène m’avait tout simplement fait goûter aux boules de geisha du XXIème siècle.
Un soir où Sandrine recevait Hélène, nous étions attablées quand la conversation se porta sur nos tailles respectives. Nous nous étions aperçues qu’il y avait juste neuf centimètres entre nous trois; 1 mètre 89 pour Hélène, 1.80 pour Sandrine, et 1.71 pour moi. C’est alors que je commis cet impair en pouffant de rire:
- Et Estelle, c’était combien Pas très pratique pour faire un soixante-neuf. Pas étonnant que tu l’aies virée…
J’avais laissé ma phrase en suspens en voyant que les deux maîtresses avaient stoppé leur mastication. Sandrine mit fin au silence en croquant dans sa pomme. Les yeux rivés sur la marque qu’elle venait d’y laisser, elle lâcha brièvement à l’attention d’Hélène:
- «Carte blanche.»Cette dernière m’ordonna alors avec son timbre de voix métallique:
- «Amène ton assiette.»
Ce que je fis docilement. Je sentais bien qu’il était inutile de demander pardon.
- «Pose-la par terre et mets-toi à genoux.»
J’ai posé mon assiette à proximité de la chaise occupée par Hélène avant d'adopter la position demandée, en croisant les poignets dans le dos. De son pied chaussé de sandales, Hélène s’est alors mis à écrabouiller méthodiquement la nourriture. Quand elle estima en avoir terminé, elle m’ordonna de manger avec les doigts.
- «Et la prochaine fois, ce sera à quatre pattes et sans les mains, compris?»
- «Oui Madame.»Je me souvins que je n’avais pas vouvoyé Hélène depuis bien longtemps.
- «Je croyais pourtant t’avoir dit que l’ironie ne convient pas aux soumises» dit Sandrine. «Et encore moins le sarcasme, car c’est un mode d’expression qui fait très pouffiasse… pour une concubine qui jouit de tant de raffinements.»
- «Surtout quand ce sarcasme est alimenté par des confidences obtenues sur l’oreiller, n’est ce pas?» précisa Hélène, réussissant par-là à me faire baisser les yeux, un peu honteuse.J'appartenais à Sandrine, et elle me rappela un jour qu'elle pouvait me prêter à qui elle voulait.
- Ma chère Sylvie, te rappelles-tu la dame d’un certain âge que j’avais invitée à l’inauguration de cet appartement?»
- «Euh… oui un peu. C’est la doyenne de la fac de droit, je crois…»
- «C’est exact. Eh bien voilà: il se trouve que cela fait bien longtemps que je n’ai pas rendu hommage à madame la Doyenne.»
- «Tu vas l’inviter à nouveau, c’est ça?»
Sandrine émit une série de petits claquements de langue.
- «Que nenni! C’est nous qui allons nous rendre chez elle. Enfin je veux dire: c’est toi qui vas m’y représenter.»
- «Je vois. Il y aura beaucoup d’invitées? D’autres servantes peut-être?»
- «Non plus ! Il n’y aura qu’elle et toi, les yeux dans les yeux.»Les bras croisés, Sandrine contemplait avec amusement l’effet produit par son effet de manche. Je me raclais la gorge avant de répondre:
- «Alors c’est elle qui va me punir, n’est ce pas?»
- «En quelque sorte.»
- «Elle fait donc des choses que… je veux dire que tu répugnes à faire… mais que j’ai mérité de subir.»
- «Il y a de ça. La Doyenne n’est plus de première fraîcheur. Et encore, il ne t’a pas été donné de contempler les replis intimes de son corps… Mais rassure-to»i précisa Sandrine en levant l’index, «il paraît qu’elle sent la savonnette. C’est déjà ça!»J’étais un peu désemparée devant cette révélation. Je m’attendais à tout sauf à cela.
Le jour venu, Sandrine supervisa les préparatifs en vérifiant ma toilette dans les moindres détails. Elle avait rédigé un petit mot sur un bristol que je devais remettre à la doyenne; probablement lui faisait-elle ses compliments, à moins qu’il s’agisse d’une sorte de «"mode d’emploi" pour l’esclave qu’on mettait à sa disposition.
Il était convenu que madame la Doyenne passe me prendre à notre domicile. A l’heure dite, un chauffeur vint sonner à notre porte. Il m’ouvrit la portière d’une grosse berline allemande aux vitres fumées, à l’arrière de laquelle m’attendait cette vénérable dame. Je lui remis le bristol de Sandrine après que nous nous soyons saluées sobrement d’un mouvement de tête. Je la détaillai de la tête aux pieds pendant qu’elle prenait connaissance du message. Elle était d’une taille légèrement inférieure à la mienne et portait un ensemble vert bouteille qui semblait devoir dissimuler les quelques disgrâces qu’on lui prêtait. Ses cheveux poivre et sel étaient retenus par un chignon et de gros yeux bruns en amande lui conféraient un air placide.
Nous avions roulé dans la campagne verdoyante pendant une demi-heure avant de pénétrer dans l’enceinte d’une vaste propriété. La voiture s’immobilisa au milieu d’une grande cour de gravier blanc. Madame la Doyenne m’invitait à dîner dans un restaurant de type "Relais et Châteaux". Le sourire du maître d’hôtel qui nous accueillit en disait long sur l’assiduité de sa cliente à fréquenter son établissement.
Après s’être tue pendant tout le trajet, la doyenne entama la conversation. Elle révéla s’appeler Pauline ; je souris à l’écoute de ce joli prénom qui était revenu récemment à la mode et qui me rappelait Pauline Réage, un écrivain avec lequel je partageais quelques turpitudes. Elle me proposa de la tutoyer en retour, ce à quoi je répondis que cela me gênait un peu. Très finement je dois dire, Pauline aiguilla la conversation sur le physique des serveuses qui évoluaient entre les tables. Elles portaient toutes un uniforme très kitsch; jupe noire au-dessus du genou, corsage rayé rose et blanc avec lavallière bordeaux et naturellement, petit tablier bordé de dentelle.
- «Sais-tu qu’il n’y a pas si longtemps, cet endroit offrait la possibilité à certaines bourgeoises que l’oisiveté avait rendu vicieuse d’assouvir un fantasme bien précis?»
- «Euh… non, je l’ignorais.»
- «Eh bien tout simplement, on laissait le soin à ces femmes de la haute société de servir et desservir les plats, en portant l’uniforme du personnel naturellement.»
- «Non?»
- «Si, je t’assure. Evidemment, on leur attribuait la plupart du temps une table où dînait la personne qui aimait les voir ainsi rabaissées. Souvent leur mari ou leur amant, mais parfois aussi une amie ou bien leur propre domestique.»
- «Pauline, vous me faites marcher.»
- «Mais bien sûr que non! Dis-toi bien que j’ai passé l’âge des canulars. Et je n’ai pas fini; ces femmes, qui parfois même avait un titre de noblesse, venaient de très loin pour se faire gifler par la directrice de l’établissement sous un prétexte ou sous un autre. Il paraît que de recevoir une gifle de Constance, c’était son nom, vous laissait un souvenir impérissable. A condition d’être un peu maso bien sûr car ensuite, il fallait retourner s’occuper des clients avec la joue toute rouge.»J’avais un instant baissé les yeux à l’évocation de ma déviance. Pauline crut m’avoir froissée car elle posa sa main sur la mienne. C’était la première fois qu’elle me touchait.
- Je ne me moque pas tu sais. Je tiens ces fantasmes pour une coquetterie de l’esprit. En général, ceux qui en sont victimes ont par ailleurs de nombreuses qualités humaines et font preuve d’une sensibilité exacerbée, comparable à celle des artistes.»
- «N’exagérez pas. Ce ne sont peut-être que des remugles. Des vexations de la petite enfance mal digérées et qui refont surface», fis-je en jouant avec ma fourchette du bout du doigt.
- «Peut-être que oui, mais peu importe. Tu ne peux pas nier qu’il faut faire preuve dans l’assouvissement de ces fantasmes d’une créativité bien supérieure à celle requise par la copulation, fût-elle sophistiquée. J’ai coutume de dire qu’on y retrouve tous les éléments qui font une bonne pièce de théâtre: une mise en scène, un décor, des costumes et surtout, une troupe d’acteurs de talent. Et alors quand tout est réuni, l’exaltation des sens devient possible même sans aucun frottement avec un autre épiderme. N’est-ce pas formidable?»
- «Si, vous avez probablement raison.»Je commençais à bien aimer cette Pauline dont les yeux brillaient. Le diner fini, elle m'amena chez elle. La voiture franchit bientôt le portail d’une gentilhommière perdue dans la campagne. Elle me montre ma chambre, la sienne, et me demanda de l'y rejoindre.
Pauline, qui m’avait attendue assise sur son lit, vint à ma rencontre. Je lus dans ses yeux une étincelle d’admiration lorsqu’elle découvrit la guêpière que Sandrine m’avait offerte, et dont le prix était aussi extravagant que la coupe. Elle portait quant à elle une combinaison satinée noire et avait laissé tombé ses cheveux sur ses épaules. Elle était aussi belle que possible. Ayant posé mes mains sur ses hanches, je m’apprêtais à l’embrasser quand elle m’arrêta:
- «Un instant s’il te plaît…»
- «Volontiers Pauline, nous avons tout le temps.»
- «Sylvie je… j’ai un problème avec l’amour…
- «Je vous écoute Pauline.»
- «C’est que, c’est un peu délicat…»
- «Je vais vous aider Pauline», fis-je en m’agenouillant. «Sera-ce plus facile ainsi?»
- «Non, non ! Ce n’est pas ça du tout», dit-elle en me retenant par le bras. «C’est plutôt que…»J'avais compris. J’apostrophai Pauline, solidement campée sur mes talons aiguilles et les mains sur les hanches:
- «Enlevez cette combinaison!»Pauline accusa le coup. Elle hésita et avala sa salive avant de faire passer ses bretelles au-dessus des épaules. Le satin glissa à ses pieds. Son corps était maintenant tout entier exposé à ma vue ; le dôme de sa nuque, les épaules affaissées, les seins tombants et la chair blanchâtre. Seule subsistait une petite culotte en dentelle noire que j’empoignai à la hanche pour la déchirer d’un coup sec, faisant ainsi sursauter ma patiente. Je la laissais ainsi une bonne minute devant moi, nue et debout, ne sachant que faire de ses bras et redoutant de lever les yeux sous peine de confronter ce corps dont elle avait un peu honte au mien, mis en exergue par les coutures noires. Je me félicitais d’avoir gardé mes chaussures ; quelques centimètres sont toujours bienvenus en de telles circonstances.
Je l’empoignai ensuite par le bras pour la conduire au bord du lit où je lui ordonnai de s’allonger bras en croix et jambes écartées, non sans l’avoir avertie:
- «Ne vous avisez pas de bouger sans mon autorisation, ou je serai forcée de vous attacher!»La jugeant suffisamment excitée, je montai sur le lit et posai les deux genoux de part et d’autre de sa tête et les deux mains de part de d’autre de son abdomen. C’est alors que j’appliquai mon sexe sur sa bouche en ordonnant:
- «Lèche-moi!»
Et avec une voix puissante, je posai ma grappe de groseilles sur le gâteau, pour reprendre l’expression d’Hélène:
- «Et comme il faut, vieille peau!»
Pauline était inondée. Je l’ai finie au majeur et elle a joui dans une sorte de gargouillis.Cependant, je n’avais pas eu mon plaisir et je sentais bien qu’elle relâchait son effort. Une bonne claque sur la cuisse la fit repartir de plus belle.
- «Je ne t’ai pas dit d’arrêter!»
Pauline essaya de répondre quelque chose mais la pression que j’exerçais avec ma vulve rendait ses paroles indistinctes.
- «Ferme la ! Contente-toi de lécher.»
Et hop, une deuxième claque.J’ai eu un long orgasme au bout d’une minute et il m’a semblé que Pauline en avait un deuxième; un de nos privilèges de femme paraît-il.
Je me levait du dessus Pauline avec délicatesse, découvrant un visage rougi par l’émotion. Elle fixa un point imaginaire sur le mur opposé de la chambre en murmurant:
- «Je suis une misérable.»
- «Et moi donc, Pauline. Je crois que je me suis un peu laissé aller. N’hésitez pas à téléphoner à Sandrine pour me faire fouetter.»
- «Ne dis pas n’importe quoi. Tu as eu mille fois raison de procéder ainsi. C’est exactement ce que je voulais sans oser le demander. Tout le monde me respecte. J’en ai marre d’être respectée.»Nous nous sommes endormies et je lui ai refait l’amour au petit matin, d’une façon tout à fait classique cette fois.
De retour à l’appartement, je trouvai Sandrine et Hélène affalées sur le canapé. Je leur racontais l'épisode avec Pauline, elle m'interrogèrent sur mes relations avec Josépha?. Sandrine dit:
- «C'est bien ce que nous pensions.»
- «Oui, elle ne peut pas continuer comme avant, Sandrine, je le crois comme toi.»
Je n'osai rien dire, terrifier à l'idée que notre relation cesse. Mais Sandrine conclut:
- «En un mot comme en cent, nous voulons faire de toi une maîtresse.»
- «Mais enfin, je n’aurai jamais votre prestance. Regardez-vous! Quand vous entrez dans un lieu public, tout le monde se retourne. Il est normal que vous attiriez des gens dans votre orbite. Tandis que moi… Je n’ai tout simplement pas la taille qu’i faut pour…»
- Sylvie, s’il fallait atteindre les un mètre quatre-vingt pour devenir maîtresse, la plupart des masos seraient frustrés. Et puis il y a autour de toi comme un halo de mystère… et d’autorité.»
- «Mais il n’y a pas que le physique. Le niveau social joue aussi dans le charisme de la maîtresse. Tu es avocate, Hélène est athlète et gérante d’une entreprise. Moi, je ne suis qu’une perdante patentée, une looseuse. Et je ne me sens pas du tout capable de faire souffrir une autre fille.»
- «Sommes-nous des brutes? rétorqua Sandrine.
- «Cependant, nous t’enseignerons l’art du fouet et des tortures délicates», enchaîna Hélène, car tu dois être prête à toute éventualité. La douleur est un instrument de pouvoir et justement, la maîtresse jouit du pouvoir qu’elle a sur sa partenaire.»
- «Ce même pouvoir dont tu te délecte déjà en avilissant d’autres femmes. Quand l’autre jour tu m’as prise dans les chiottes, n’était-ce pas déjà un peu ça?»Cette fois, j’étais à cours d’arguments. Ma position, assise sur le bord du siège, les mains serrées entre mes deux genoux et la tête pendant vers le sol trahissait une tempête intérieure. Sandrine vint s’asseoir à mon côté. Hélène se leva à son tour et s’accroupit devant moi; flanquée de ses énormes cuisses, elle me faisait penser à un sphynx de l’Egypte antique. Elle prit mes mains entre les siennes pour me donner cet avertissement, avec sa voix la plus grave:
- «Attention Sylvie: si tu acceptes, tu dois savoir que le pacte passé avec Sandrine tient toujours. Elle doit préserver ton prestige de maîtresse vis à vis de l’extérieur mais dans l’intimité, elle peut te demander absolument n’importe quoi.»
- «Alors si je comprends bien, on peut être à la fois soumise et maîtresse?»
- «En quelque sorte», répondit Sandrine. T«u verras comme c’est bon pour une maîtresse d’avoir quelqu’un auprès de qui on n’est pas sur un piédestal, auprès de qui la vie est plus simple car faite d’obéissance.»Je n’ai rien répondu ; je me suis simplement jetée au cou de mes deux copines. Suite à cet entretien, nous fîmes longuement l’amour à trois jusque tard dans la nuit.
Entre cette conversation, et le début de mon changement de statut, Sandrine m'offrit une opération pour rendre ma poitrine plus ferme et plus excitante, opération qui réussit très bien, et à laquelle je m'étais soumise de bon coeur pour ma maîtresse.
Hélène me recevait, pour ma formation, au premier étage de sa maison pour m’inculquer tout ce qu’une maîtresse devait savoir. La géante pensait qu’on ne pouvait infliger quelque épreuve que ce soit si on ne l’avait pas vécue soi-même; j’avoue n’avoir pas eu le culot de lui demander si cette règle s’appliquait à elle-même. Elle me fit essayer bon nombre des colifichets sadomaso de Marie-Laure, dont seuls les harnais de poitrine et les pinces à sein me furent épargnés, pour ne pas compromettre la cicatrisation. J’échappais également aux colliers et aux bâillons car je les avais subis plus qu’à mon tour, de même qu’aux cagoules qu’Hélène jugeait d’une laideur affligeante.
En revanche, je goûtais successivement à toutes sortes de brides, entraves et corsets atrocement serrés. Hélène passa rapidement sur les différentes sortes de martinets et de cravaches. Les premiers disait-elle, sont assez bien adaptés pour un simple rappel à l’ordre car l’énergie du coup est répartie entre les lanières, sauf si bien sûr elles sont longues et lestées de plomb, auquel cas ce peut être un véritable instrument de torture. La cravache en revanche, est plutôt le bâton de maréchal de la maîtresse. Elle lui donne une contenance, permet de désigner des choses ou bien de corriger des positions. Mais au moment de frapper avec, ne jamais oublier qu’elle est conçue pour les chevaux !
- «Mais, ne court-on pas le risque de dégoûter la soumise en la battant?» avais-je demandé. «Car s’il y a un gouffre entre les fantasmes et la réalité, c’est bien dans le domaine de la douleur physique.»
- Tu as raison, mais l’accepter est justement une preuve de soumission significative. C’est pourquoi tu ne devras tolérer aucune dérobade, sous peine de perdre ta crédibilité. Crois-moi si tu veux: les châtiments corporels appliqués avec finesse et maîtrise de soi créent une sorte d’addiction; la maîtresse devient alors la pourvoyeuse unique de ce plaisir ambigu»
- «Mais tout de même, certaines soumises ne peuvent pas se permettre d’être marquée par le fouet!»
- «Certes mais encore une fois, nous ne sommes pas des brutes. J’ajoute qu’il est permis à la maîtresse de faire fonctionner son imagination. Prends par exemple le supplice des orties.»
- «Ce qui fait moins mal que le fouet…»
- «Détrompe-toi ! J’entretiens à dessein un carré de jeunes orties dans mon jardin. Certaines soumises doivent aller en cueillir un grand panier à main nues et en un minimum de temps; au retour, les plus douillettes pleurnichent déjà.»
- «Elles ne savent pas qu’il faut les saisir à la base de la tige?»
- «Elles n’ont pas toutes été élevées à la campagne comme toi. Cela dit, j’ai une solution pour les petites malignes de ton genre : y retourner pieds nus et recommencer la cueillette, cette fois en saisissant les tiges entre les orteils.»
- «Bon OK, mais tout cela est quand même bon enfant!»
- «Attends, je n’ai pas fini. Avec la récolte je compose six bottes: une pour chaque bonnet du soutien-gorge, une à fixer sous chaque aisselle avec du ruban adhésif et enfin deux dans la petite culotte, devant-derrière. Dois-je préciser que le minou aura été soigneusement rasé au préalable?»
- «Ouille…»
- «La punition est appliquée par tranches d’une demi-journée, c’est à dire que pour les cas les plus graves ou en cas de plainte intempestive, je renouvelle l’application au bout de quatre heures. C’est ainsi équipée que la soumise vaque à ses occupations: ménage, courses, réunion au boulot, que sais-je encore…»
- «Ouch! Manifestement, une maîtresse ne connaît pas la pitié.»
- «En effet, une punition doit toujours être menée à son terme. Cependant, il n’est pas interdit de faire preuve de tendresse une fois que la soumise a expié. Par exemple pour les orties, l’application d’une crème apaisante est toujours un moment privilégié dont je ne me priverais pour rien au monde…»Le soir suivant, Hélène parvint à me tirer des larmes d’une toute autre façon. Elle me fit déshabiller et mettre à plat ventre sur une table en gardant les pieds écartés au sol et les poignets croisés dans le dos. Je sentis ses doigts étaler une crème lubrifiante "à l’endroit que la décence m’interdit de nommer".
Je suppliai aussitôt:
- «Pas ça s’il te plaît! Sandrine m’a dit que je pouvais refuser ces trucs-là.»
- «Cette promesse ne m’engage pas. Et puis une maîtresse n’est pas une chochotte!»
- «S’il te plaît! J’ai peur.»
Hélène émit un échantillon de son rire cristallin et me mit sous le nez un gode du gabarit d’un petit doigt.
- «Tu penses vraiment que je vais te mutiler avec ça?»
Avant que j’aie pu répondre, l’objet se trouvait dans mon fondement. Hélène laissa passer l’effet de surprise et me fit redresser, marcher, asseoir, etc.
- «Alors?» demanda la géante, le sourcil levé.
- «Alors c’est… c’est plutôt agréable», répondis-je bêtement en essuyant mes larmes du revers de la main.
- «Tu le gardes pour la suite de la leçon?»
- «Oui, je veux bien.»
- «S’il y a un truc que j’adore faire, c’est obliger une soumise à porter ce bidule dans un endroit guindé du style « restaurant gastronomique ». Je lui fabrique au préalable un soutien-gorge et une culotte en corde. Porté sous un tailleur strict, c’est un régal !La géante s’assit avant de poursuivre:
- «Justement, les cordes. Tout le bric-à-brac que je t’ai montré jusqu’ici constitue en quelque sorte la boîte à outil de la dominatrice. Leur avantage est d’être pratique et de constituer une sorte de code universel dans lequel se reconnaissent tous les sadomasos de la planète. J’emploie à dessein ce vocabulaire que je n’aime pas, car je n’oublie pas que ce code fétichiste a été véhiculé par l’industrie de la pornographie via ses films, ses revues, et plus récemment via Internet. Or, les amants n’ont pas attendu les "mass medias" pour jouer à se faire mal en détournant les codes de la société où ils vivaient et en faire le support de leurs fantasmes. Une maîtresse digne de ce nom ne se contente pas d’être une technicienne de la contrainte et de la douleur. Elle dépasse bien vite ces aspects pour devenir une tisseuse de fantasmes dont l’étoffe est toujours composée des deux mêmes fibres: humilier par dégradation sociale et confisquer le droit le plus élémentaire qui consiste à disposer de son propre corps.Hélène m'expliqua ensuite les bases du bondage, et les consignes de sécurité à ne jamais oublier dans ce genre de jeux.
- Voilà, tu sais presque tout. Il me reste à t’entretenir du style, de l’état d’esprit avec lequel nous assouvissons nos fantasmes. Tout comme dans l’amour classique, certaines recherchent des partenaires jetables qu’elles ne connaîtront que sous l’éclairage blafard d’un club libertin. Tel n’est pas notre cas. Nous tissons avec nos soumises des liens durables…»
Le double sens de cette phrase me fit sourire. Hélène fit mine de me donner une petite tapette pour me ramener au sérieux avant de poursuivre.
- «En leur compagnie, nous faisons maintes expériences et nous explorons les moindres recoins de notre univers onirique. Ceci demande du temps, une écoute réciproque et une vraie empathie. Pourquoi te dis-je ça? Parce que samedi prochain, tu vas entreprendre le dressage de ta première esclave et qu’en aucun cas je ne tolèrerai une séance défouloir. Cette fille, tu va la garder à ton service des mois et peut-être des années. Elle va devenir ta chose, certes, mais la chose la plus précieuse que tu as au monde. Tu ne dois pas te contenter de l’amener à une obéissance de chien; tu dois aussi t’assurer de son bonheur. Et pour cela pas de miracle: tu dois la connaître sur le bout des doigts en l’amenant à s’exprimer et progressivement, prendre une place inexpugnable dans son esprit. Tu trouveras chez la plupart des soumises un complexe affectif qui te servira de point d’appui dans cette démarche. Apportes-y une réponse quelle qu’elle soit et tu seras sa déesse.»Sandrine et moi, la loi ayant évolué, avions décidé de nous marier. La suite de l'histoire? Elle s'arrête là.
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