• Viandes au détail

    Encore un texte que je vous livre, je l'ai trouvé sur:
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    VIANDES AU DETAIL

    Elle est rose, ronde et revêche. D’une méticuleuse propreté comme si elle sortait d’une étuve. Elle est naturellement blonde, ce qui est rare de nos jours, et sa peau que l’on devine rugueuse, n’a jamais connu la moindre crème ni le plus léger maquillage. La couperose habite ses joues et un fin duvet souligne l’arête de ses maxillaires. Ses cils et ses sourcils pâles encadrent tristement des yeux d’un bleu insipide. Ses lèvres desséchées sont incolores et desquament en permanence. Quant à sa voix, elle ne se donne, et de façon parcimonieuse, que pour alimenter le strict minimum exigé par son activité professionnelle. La blouse rose et le haut du tablier immaculés sont tendus à craquer par les seins gigantesques. Comme des obus pointés sur l’objectif ils semblent menacer le vis à vis de lui exploser à la figure à tout instant. Le regard s’arrête à la taille que l’on devine comprimée dans un corset implacablement serré . Des jambes on ne voit jamais rien, en possède-t-elle au fait ? car la bouchère-charcutière évolue uniquement derrière son comptoir. Elle découpe, dégraisse, emballe et pèse avec dextérité viandes et cochonnailles. Son impassible visage affiche en permanence une lassitude blasée , une indifférence morne et une insatisfaction définitive. -« Ce s’ra tout ? éructe-t-elle en fin d’opération. Parfois, par grand effort d’imagination, on peut l’entendre marmonner : « et avec ça ? ». Elle ne porte ni bague ni alliance. Elle a été conçue pour assurer la continuité de l’activité bouchère. Elle a vécu entre père et mère qui l’ont mise au monde dans le magasin et ont plastifié son avenir sous vide. Ils l’ont mise en chambre froide pour qu’elle ne s’avarie pas trop vite et ont soigneusement écarté toutes les mouches qui auraient pu l’approcher. Puis, leur mission bouchère-charcutière remplie, ils se sont éteints, la laissant gérer seule les quartiers de viandes et les saucisses. Ils sont partis tranquilles car ils savaient qu’elle ne s’en laisserait pas compter par les maquignons des abattoirs et qu’elle avait bien retenu la leçon : « NE JAMAIS FAIRE CRÉDIT » pas plus aux clients qu’à la vie… ainsi qu’ils l’ont affiché au dessus de la caisse.

    La commerçante n’est guère engageante mais après tout, entre-t-on dans une boucherie pour nouer une relation chaleureuse avec un humain qui nous ressemble ?

    « Pâtisserie des années 50Service du dimanche »

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