• Et voici le point de vue de Louis, dit "Louisette" sur le récit de Marc Lacroix, dit "Tante Marthe".

     

    Vous avez lu dans "Comment je suis devenu une tante", une partie de mon histoire. Je veux la compléter, sans rien enlever à ce qu'a écrit Monsieur Lacroix, mais en vous racontant la chose vue de mon côté.

    Je suis né dans une famille bourgeoise, catholique, mon père est chef d'entreprise (dont la famille est propriétaire), et ma mère est musicienne, enseignant le piano et jouant, aussi. J'ai quatre frères et une soeur, et je suis le cinquième enfant. Mes frères sont pour l'ainé, militaire de carrière, le second prendra la succession de mon père, dont il est le bras droit, le troisième est prêtre. Ma soeur est enseignante, et mon petit frère, musicien.

    J'ai toujours, je pense, été homosexuel. J'ai fait mon "coming out" en même temps que j'ai annoncé à mes parents que j'avais mon bac avec la mention "Très bien". Je ne dirai pas que ça leur a fait plaisir, mais ce sont des gens bien et, comme ma soeur et mes frères, ils ont fait bonne figure et m'ont conservé toute leur affection. La seule contrainte que mes parents m'ont imposé, c'est la discrétion, et, dans notre milieu, c'est primordial. Ce qui les a aidé à accepter, c'est que mes deux frères ainés étaient déjà mariés, avec au total trois enfants, dont deux garçons. La transmission du nom, du patrimoine, des valeurs de la famille étaient assurés, et mon homosexualité, donc, était mon affaire et n'engageait que moi, tant qu'elle restait discrète. Et j'ai toujours respecté cette discrétion, sans jamais m'afficher.

    J'ai un "ami", je ne dirais pas un "compagnon", parce que nous vivons chacun de notre côté, mais c'est une liaison stable, avec de l'affection, de l'estime, du sexe, bien sûr, et beaucoup de bon moments. Mais la manière qu'a mon ami de concevoir l'homosexualité, si elle satisfait mon corps, ne satisfait pas mes penchants les plus intimes.

    Ces penchants, vous les connaissez, c'est le goût de me travestir en domestique femme et d'agir comme telle. Sans doute, cela vient du fait que, quand j'étais jeune, nous avions à la maison une bonne, pour aider maman à nous élever, une bonne très classique, serviable, et qui m'aimait bien, comme elle aimait bien, d'ailleurs, toute la fratrie. Et de la voir servir, de voir la femme la plus proche de moi (hors ma famille, bien sûr) être toujours en train de servir, m'a sans doute imprimé depuis tout petit un goût pour ce rôle.

    Vous connaissez mes études, deux langues mortes, latin-grec, depuis le lycée. Etudes dans le privé catholique, avec d'excellents professeurs, dont de nombreux prêtres et, je le précise, jamais, venant d'eux, jamais le moindre comportement trouble. Uniquement des enseignants exigeants, à qui je dois mon doctorat et mon agrégation aujourd'hui, parce qu'ils m'ont à la fois obligé à travailler, et aimer ces études.

     

    En même temps que j'étudiais, et à côté de ma liaison "normale" avec mon ami, j'essayais de satisfaire mon goût de servir. Et donc, je travaillais comme aide-ménager, un jour ou deux par semaine, tout à fait officiellement. Mes parents trouvaient normal que je travaille pour me faire de l'argent, même si je ne manquais de rien, le travail a toujours été une valeur morale chez nous. Et, quand je travaillais sans être sous le regard de quelqu'un, j'essayais de me travestir. Je ne pouvais pas vivre ce penchant autrement, ni chez mes parents, bien sûr, ni dans l'appartement en colocation ensuite. Mes colocs comprenaient parfaitement que j'ai un ami homme, mais d'autres choses plus curieuses, non, je ne pouvais pas les vivre dans ces conditions. Quant à mon ami homo, il était "homo vanille", irrémédiablement.

    Et c'est ainsi que je me suis retrouvé chez Monsieur Lacroix, qu'il a surpris mon secret et que, à ma grande surprise, il a accepté, puis qu'il est rentré dans le jeu. Vous allez me dire, pourquoi ai-je accepté, comme ça, de le sucer, de sucer un presque inconnu?

    D'abord, tout simplement, j'aime sucer une bite. C'est comme ça, j'y prend plaisir, je prend plaisir à donner du plaisir, j'aime le goût de la bite, du sperme, et j'aime le caractère "soumis" de celui qui suce. Ensuite, Monsieur Lacroix est encore un homme au physique plaisant, plus âgé que moi, mais j'aime les hommes âgés, et ça me change de mon ami, qui est de mon âge. Il fait du vélo, et donc il n'a, disons, que deux ou trois kilos de trop, mais ça ne me gène. J'ai donc commencé à lui être soumis par plaisir physique, pour satisfaire ma perversion.

    Et puis, j'ai été attiré par, allez, je le dis, sa personnalité. Il ne juge pas, il accepte les choses et les gens. Et puis, c'est un ingénieur, donc un scientifique, un "pratique", alors que je suis un littéraire, un "penseur", et de voir quelqu'un de brillant fonctionner d'une manière différente de moi, c'est intéressant. Mon ami est, intellectuellement, de mon genre, et Monsieur Lacroix me change donc, comment dire, de point de vue. Comme un ingénieur, il m'a analysé, il m'a démonté, il m'a compris, il a compris comment agir sur moi, et il l'a fait. Et comme je suis soumis, j'ai accepté.

    Il a sur m'entraîner là où je voulais aller, sans oser. Quand il m'a forcé, dans le magasin, à demander pour moi une blouse de femme, à l'essayer, il m'a obligé à faire quelque chose dont, au fond de moi, j'avais le désir, sans jamais l'avoir formulé. Comme quoi, un ingénieur peut avoir plus de psychologie qu'un littéraire. Il m'a obligé à faire quelque chose que je désirais profondément. Il s'est passé ensuite la même chose pour l'achat des martinets. Je dois avoir un penchant exhibitionniste, mais lui aime la discrétion. Mais, quand j'ai acheté la blouse, la vendeuse a du le pendre, lui aussi, pour un homosexuel, ça ne l'a pas gêné, il est au-dessus de tout ça.

    Si vous saviez ce que ça m'a fait plaisir quand il est venu à ma soutenance de thèse, comme un ami. Et il faut dire que je le considère comme un ami, pas un "ami partenaire affectif", non, mais comme certains de mes professeurs, qui m'ont fait grandir. C'est drôle de dire qu'il me fait grandir en me rabaissant et en me soumettant, mais c'est comme ça.

     

    Le jour où il a créé le personnage de Tante Marthe a été pour moi un jour extraordinaire. Je dis qu'il a créé ce personnage, parce que ce n'est pas lui, j'ai bien compris, ensuite, en discutant avec lui, qu'il ne pouvait pas continuer le jeu de domination avec moi en tant qu'homme, puisqu'il n'est pas homosexuel et que, physiquement, il n'a aucune attirance pour moi. Il s'est donc dédoublé, et c'est une chose formidable. Ça m'a amené à réfléchir sur moi. Je ne suis pas "soumis parce que homo", ni "homo parce que soumis", je suis homosexuel et soumis, les deux en même temps. Comme Monsieur Lacroix est à la fois hétérosexuel et dominateur, et qu'il a fallu qu'il se dissocie pour pouvoir pratiquer la domination. Et moi, je me suis rendu compte que je pouvais être soumis à un homme ou à une femme, indifféremment, que c'étaient les pratiques qui comptaient plus que le sexe, le genre ou l'orientation sexuelle de mon partenaire. J'ai alors compris pourquoi, au début de notre relation, il m'avait fait m'appeler "Louisette", pour que je dissocie ma personnalité "normale" de ma personnalité "soumis". Et il a bien fait, la preuve.

    En tout cas, la première fois, quand il m'a fait fermer les yeux pour me faire découvrir, à genoux devant lui, le personnage de "Tante Marthe", ça a été un moment extraordinaire. En le voyant, j'ai vu à la fois cette tante qui avait l'air sévère mais qui était en réalité une bonne personne, j'ai vu certaines religieuses qui, pour travailler de leurs mains, portaient un tablier sur leur robe, j'ai vu notre domestique qui était si dévouée, j'ai vu tout ça, toutes ces figures féminines, figures respectées, dans ce rôle. Et mon réflexe naturel a été de me précipiter à ses pieds pour les embrasser, en signe d'humilité, de soumission, d'affection aussi.

    Et à chaque fois que nous avons discuté pour, il faut bien le dire "mettre au point" le jeu entre nous (oui, c'est un jeu, pas autre chose, un jeu bien agréable), il a su me faire découvrir mes désirs, sans doute découvrir les siens, et trouver des pratiques follement excitantes pour moi, et bien agréables pour lui. Et quand, à la fin de nos rencontres, avant mon départ, nous discutons de choses et d'autres, entre adultes, hors de tout jeu sexuel, je trouve non seulement un ami, mais encore un, comment dire, un partenaire intellectuel de mon niveau, avec une culture totalement différente.

    Vous êtes déçus parce que je ne vous parle pas fessées, bondages, humiliations, servitude, piquet, tourments, pratiques honteuses, godage, fellation? Parce que je ne vous dis pas pourquoi j'aime sucer sa bite et lécher ses pieds quand ils ont l'odeur et le goût de sa sueur? Parce que je vous dis pas ce que j'aimerais qu'il me fasse encore, non pas de pire, mais de plus humiliant?

    Eh bien, je n'en parle pas parce que ce n'est pas le plus important. L'important, c'est que j'ai fait une belle rencontre avec Marc Lacroix, ingénieur retraité, et avec Tante Marthe, dominatrice rêvée.

     

    Et je signe fièrement et humblement,
    Louis, Docteur en lettres classiques, professeur agrégé, dit "Louisette la bonniche"


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